Le maire évangélique de Rio snobe le coup d’envoi du carnaval
Le maire évangélique de Rio snobe le coup d’envoi du carnaval
Le Monde.fr avec AFP
Le coup d’envoi du carnaval brésilien a été donné vendredi soir. Le maire religieux de Rio, soupçonné de ne pas aimer l’aspect charnel de l’événement, n’a pas fait le déplacement, prétextant une grippe de sa femme.
Les festivités du carnaval de Rio ont débuté vendredi 24 février avec les premiers défilés des écoles de samba et une grande polémique : Marcello Crivella, pasteur évangélique fraîchement élu maire de la ville, était aux abonnés absents.
Le coup d’envoi officiel était prévu en fin d’après midi, avec la remise symbolique des clés de la ville au Roi Momo, monarque obèse et jovial qui symbolise la folie d’une des plus grandes fêtes populaires de la planète.
La cérémonie a finalement eu lieu avec plus de deux heures et demie de retard, vers 20h30 heure locale, mais Marcello Crivella, qui goûte fort peu l’exubérance charnelle du carnaval, n’a pas honoré les fêtards de sa présence.
La grippe comme excuse
L’édile a été remplacé par son adjointe à la culture, Nilcemar Nogueira, qui a justifié cette absence dérangeante en expliquant aux journalistes qu’il était resté au chevet de sa femme souffrante. « Une mauvaise grippe », a renchéri Marcelo Alves, président de Riotur, l’agence municipale de tourisme.
« Où est Crivella? », criaient certains des 70 000 spectateurs massés au Sambodrome, grand stade en forme d’avenue entourée de gradins.
« Je crois qu’il n’est pas là parce que les gens de son église n’aiment pas le carnaval. Mais en fait, il mélange tout, il devrait être ici pour partager la joie du peuple », s’est insurgée Sueli, spectatrice de 59 ans.
Préservatifs gratuits
Après la polémique, place aux défilés. Avant l’arrivée de la première école de samba, Academicos do Sossego, le rituel a cette fois été respecté à la lettre: le Sambodrome a été symboliquement balayé par des éboueurs-danseurs en uniforme orange, entourés de mascottes déguisées en préservatifs géants.
Le ministère de la santé a en effet déjà annoncé la distribution gratuite de 77 millions de « camisinhas » (littéralement « petites chemises en portugais ») dans tout le pays, qui s’apprête à vivre quatre jours de fête non-stop pour oublier la crise économique, la corruption et les problèmes de violence.
« Le carnaval est bien plus qu’une fête. Il nous aide à sublimer pendant quelques jours les problèmes de la vie. C’est d’autant plus important en temps de crise, ça permet de réunir dans la rue un pays déchiré par des inégalités de toutes sortes » , a expliqué l’humoriste Gregorio Duvivier. Cette volonté de laisser de côté les soucis du quotidien n’empêche pas une certaine dose d’engagement politique.
L’école de samba Imperatriz Leopoldinense a ainsi choisi pour thème de son défilé la défense des tribus indiennes du Xingu, menacées par l’appétit vorace des pontes de l’agro-business.
L’école de samba Imperatriz Leopoldinense a choisi pour thème de son défilé la défense des tribus indiennes du Xingu. | YASUYOSHI CHIBA / AFP
«Je veux que tout le monde nous écoute ! Nous sommes contre la déforestation et la pollution de l’eau » , a scandé le légendaire cacique Raoni Metuktire, présent vendredi matin dans le complexe de hangars géants où les écoles de samba préparent les chars et les costumes du carnaval.
Le chef indien de 86 ans, connu dans le monde entier pour arborer un grand plateau labial, s’est aussi insurgé contre la construction d’une grande centrale hydraulique en Amazonie, construction critiquée de façon poétique dans les paroles de la chanson officielle d’Imperatriz.
Roi Soleil et austérité
Une autre école, Sao Clemente, a choisi pour thème la vie de Nicolas Fouquet, ancien surintendant des finances de Louis XIV accusé de détournement du trésor public.
Une référence subtile au méga-scandale de corruption Petrobras qui secoue le Brésil depuis bientôt trois ans, avec des dizaines de dirigeants d’entreprises et d’hommes politiques de tous bords sous les verrous.
Si l’évocation du Roi Soleil donne l’occasion de briller de mille feux, avec des chars pleins de dorures représentant le château de Versailles et les jardins de Le Nôtre, la crise économique a obligé certaines écoles à se serrer la ceinture.
« Le maître mot, c’est l’austérité » , martèle Luiz Carlos Magalhaes, président de Portela, la formation la plus titrée de l’histoire. Beaucoup misent sur la débrouille, en recyclant des matériaux utilisés les années précédentes.
La crise atteint aussi de plein fouet le carnaval de rue, dont les premiers défilés ont déjà commencé il y a plusieurs semaines.
Selon Riotur, l’agence de tourisme municipale qui coordonne la fête populaire, 451 « blocos » - ces cortèges musicaux qui peuvent attirer des milliers de fêtards - vont défiler, contre 505 l’an dernier.