Le discours devant le Congrès, une version sobre du « trumpisme »
Le discours devant le Congrès, une version sobre du « trumpisme »
Le président a montré de lui l’image d’un homme d’Etat. Mais sur le fond, son discours correspondait à l’orthodoxie républicaine ou à ses promesses de campagne.
Dans un discours de plus d’une heure, Donald Trump a voulu rassurer sur sa capacité à diriger les Etats-Unis. | © POOL New / Reuters / EPA
Après un peu plus d’un mois à la Maison Blanche, Donald Trump a tenté, mardi 28 février au soir, devant le Congrès, de montrer un nouveau visage. Dans un discours de plus d’une heure, il a voulu rassurer sur sa capacité à diriger les Etats-Unis et se montrer plus « présidentiel ». Selon le site Axios, c’est la main d’Ivanka Trump, la fille du président, qu’il faut voir derrière ce nouveau ton.
L’opération est apparemment réussie, puisque les chaînes de télévision semblent en avoir presque oublié l’animosité du président à leur encontre. CNN en particulier, dont l’un des commentateurs politiques – Van Jones, un temps conseiller d’Obama – s’est répandu en louanges lorsque le président a rendu hommage à Carryn Owens, la femme de Ryan Owens, soldat des forces spéciales tué dans une opération sanglante au Yémen le 29 janvier.
« Ce que vous venez de le voir faire, s’il peut le refaire, encore et encore, il fera huit ans. Ce soir, il a fait quelque chose qu’on ne peut lui retirer : ce soir, il est devenu président des Etats-Unis. »
Van Jones: Trump became President in that moment
Durée : 01:46
Charles Krauthammer, commentateur du Washington Post et de Fox News, a expliqué sur Fox News que c’était « une version sobre du trumpisme, débarrassé de ses attaques contre la presse ou Hillary Clinton. C’était le discours d’un homme d’Etat, presque “mainstream”. Si ce discours préfigure ce que sera sa présidence, il pourrait réussir. Si ce n’était qu’un jeu [d’acteur], il échouera ».
Tentative de réinitialisation
Pour Politico, ce discours marque le moment où le président a décidé de réinitialiser sa présidence : « Pendant 60 minutes et 14 secondes, le président Donald Trump a abandonné la rhétorique sombre et étroite qui a jusqu’à présent défini sa politique et a offert un message ambitieux, rempli de promesses audacieuses (…). C’était, et de loin, le moment le plus propre à créer l’unité de ses 39 premiers jours à la présidence clivante et chaotique. » Le site de Politico poursuit et constate que, même s’« il sonne comme un président optimiste et normal », les mots restent « sensiblement les mêmes ».
Pour l’agence Associated Press, « Donald Trump a finalement donné aux républicains ce qu’ils attendaient depuis des mois : qu’il endosse enfin le costume présidentiel. Mais la question qui vient immédiatement après est : combien de temps cela va-t-il durer ? Quelques jours, semaines, mois, ou jusqu’à son prochain tweet. »
« Donald Trump a finalement donné aux républicains ce qu’ils attendaient depuis des mois : qu’il endosse enfin le costume présidentiel », écrit AP. | REUTERS
Différence sur le style, pas sur le fond
La présidence Trump, c’est l’histoire d’un double discours, relève aussi le Washington Post : « D’un côté, le “carnage” évoqué le jour de son investiture et de l’autre, le “renouveau de l’esprit américain”. Le président jongle perpétuellement avec la colère de son électorat contre l’establishment et les gestes envers l’establishment républicain dont il a besoin pour mettre en musique sa politique. » Le Washington Post s’est donné la peine d’examiner treize assertions du président et de rétablir les faits.
Pour Vox, Trump joue au président, mais n’assume pas la fonction. « En campagne, un homme politique prononce des discours pour galvaniser ses supporteurs et persuader les indécis. Quand il entre en fonction, il continue de prononcer des discours qui impulsent des politiques. Et il est clair que Donald Trump n’a pas envie de gouverner. Il vient tout juste de réaliser que les questions d’assurance santé sont très compliquées. »
« Derrière le ton plus sobre, [Trump] envisage un bouleversement fiscal, commercial, sur l’immigration et la santé », écrit le site de site de datajournalisme FiveThirtyEight. « La seule surprise tenait dans sa proposition d’accepter ou refuser les immigrants en fonction de leur compétence. Le reste correspondait à l’orthodoxie républicaine ou à ses propositions de campagne. Tout ce qu’il a proposé mardi soir pourrait changer le pays et ses relations avec le reste du monde de manière profonde. »
« Qu’il se mette lui aussi au travail »
« Est-ce un génie fou, un politicien amateur ? En tout cas, mardi, M. Trump n’a jamais autant semblé présidentiel », s’interroge le New York Times, média érigé en ennemi de la présidence par Donald Trump dans ses discours et ses tweets.
Au-delà de la forme, c’est au fond que le quotidien s’attaque dans un éditorial au vitriol : « Le thème central de la campagne de Donald Trump était sa volonté de travailler pour les oubliés de l’Amérique. Sa présidence est encore jeune, il peut encore remplir ses promesses. Mais ce qu’il a engagé augure mal de la suite. Il est difficile de ne pas arriver à la conclusion que les seuls pour lesquels il a travaillé, jusqu’à présent, sont les membres de sa famille et l’entourage de sa campagne. Certes, M. Trump ne néglige pas les “oubliés” : il attise leurs peurs pour pouvoir se présenter à leurs yeux comme le “président action, le président impact”, alors qu’il n’est ni concentré, ni discipliné. Il a terminé son discours en rappelant ce qu’ont accompli les “fondateurs, artistes et inventeurs de ce pays”. Il est temps qu’il se mette lui aussi au travail. »