Malgré l’immunité parlementaire, un député peut-il être mis en examen ?
Affaire Fillon : malgré l’immunité parlementaire, un député peut-il être mis en examen ?
Par Alexandre Pouchard, Mathilde Damgé
François Fillon, candidat à la présidence de la République, est également député de la 2e circonscription de Paris. Convoqué le 15 mars en vue d’une mise en examen, dans quelle mesure son mandat peut-il le protéger ?
François Fillon a été convoqué le 15 mars en vue d’une mise en examen dans l’affaire des emplois présumés fictifs de son épouse et de ses enfants. Le candidat des Républicains à l’élection présidentielle est également député de la 2e circonscription de Paris. Peut-il bénéficier de l’immunité parlementaire dans cette affaire ?
L’immunité parlementaire n’empêche pas une mise en examen
L’immunité parlementaire est un régime juridique spécial pour les parlementaires, afin de préserver leur indépendance. Elle est régie par l’article 26 de la Constitution :
« Aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive. »
Le principe général de l’immunité est de protéger le législateur afin qu’il ne puisse être l’objet de pressions de la part du pouvoir politique, judiciaire ou venant d’intérêts privés et d’assurer ainsi son indépendance face au vote.
Une « action privative ou restrictive de liberté » peut être une garde à vue ou une incarcération : ce n’est donc pas possible pour un parlementaire, sauf « en cas de crime », lors d’un flagrant délit ou quand tous les recours ont été épuisés et que la personne est définitivement condamnée.
Une mise en examen, en revanche, n’est pas une mesure privative ou restrictive de liberté. Il s’agit d’un statut décidé par un juge d’instruction pour des personnes « à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions » dont le juge est saisi, énonce le code de procédure pénale (article 80-1).
- Irresponsabilité et inviolabilité
L’immunité parlementaire se divise en deux catégories : l’irresponsabilité et l’inviolabilité. La première « soustrait les parlementaires à toute poursuite pour les actes liés à l’exercice de leur mandat ». Autrement dit, ils ne peuvent pas être poursuivis pour un acte accompli dans le cadre de sa fonction : propositions de loi, rapports, question, interventions à l’Assemblée, mission confiée par les instances parlementaires, etc.
L’inviolabilité, elle, « tend à éviter que l’exercice du mandat parlementaire ne soit entravé par certaines actions pénales visant des actes accomplis par les députés en tant que simples citoyens ». Autrement dit, elle le protège d’une privation de liberté pour des faits ne relevant pas stricto sensu de sa fonction.
- Comment l’immunité peut-elle être levée ?
C’est le bureau de l’assemblée concernée (Assemblée nationale pour les députés, Sénat pour les sénateurs) qui peut le décider par un vote. Dans le cas de François Fillon, c’est donc le bureau de l’Assemblée nationale qui pourrait décider de lever l’immunité parlementaire du député de Paris, condition préalable à des mesures de coercition. Il est constitué du président de l’Assemblée (Claude Bartolone), des six vice-présidents, des trois questeurs et des douze secrétaires.
Depuis la révision constitutionnelle de 1995 (qui a modifié les modalités de la levée de l’immunité parlementaire), l’Assemblée nationale a étudié seize demandes de levée d’immunité : elle en a autorisé la moitié.
Immunité parlementaire | Le Monde