L’entrée du « Gran Fira », le centre de Convention de Barcelone qui accueille comme tous les ans au mois de février le Mobile World Congress à Barcelone, le plus grand salon de téléphonie au monde. | Bernard Monasterolo

Des appareils chinois qui font rêver

En parallèle des appareils destinés au marché mondial, les Chinois viennent aussi présenter des téléphones qui ne sont pas du tout distribués dans nos contrées. Et force est de noter que certains de ces appareils sont particulièrement attrayants, tant par leurs designs que leurs mensurations techniques.

De plus en plus de smartphone adoptent des écrans de type « borderless ».

Huawei était présent pour son P10, mais on pouvait aussi prendre en main un modèle séduisant de sa filiale Honor, le Magic. S’ils avaient accentué les angles arrondis de l’appareil, on aurait eu affaire à une savonnette, tant le « bezel » est grand. De la même manière, la courbure des angles latéraux est extrêmement prononcée.

Tout le monde ou presque connaît ZTE, un des opérateurs chinois qui comptent. Et sans doute connaissez-vous cette marque sans même le savoir, car c’est elle qui se trouve derrière plusieurs smartphones en marque blanche chez Orange, SFR et nombre d’opérateurs français. ZTE a une filiale, Nubia, qui avait un stand très grand et isolé, qui présentait un nouveau modèle, très fin et « borderless ». Le téléphone « sans bord » est le nouveau standard en matière de design de smartphone et le Z11 offre sa propre interprétation de ce genre. Chez Xiaomi, le MiMix avait laissé la zone basse découverte avec une très fine bordure encore visible autour de l’écran. Le Z11 a gardé une zone haute et basse non couverte par l’écran, mais les bordures latérales sont parfaitement raccords.

Schéma du système de prise de vue inédit qui permet le zoom 5x, développé par le constructeur chinois Oppo. | Oppo

Chez Oppo, le leader en volume du marché chinois, on venait présenter des appareils, mais aussi une technologie de zoom 5 ×. Cela grâce à un double capteur, que l’on peut considérer maintenant aussi comme une grande tendance des derniers mois, chacun en faisant ici aussi sa propre interprétation (noir et blanc et couleur chez Huawei ou double focale chez LG). Chez Oppo, on a choisi l’option de la double focale, un objectif étant dédié à un zoom 3 ×, avec un prisme « horizontal » et un miroir pour réaligner (cf. image ci-dessus). Le tout est associé à un stabilisateur et à un algorithme d’interpolation qui transforme le zoom 3 × en zoom 5 ×. Il faut avouer que le résultat est plutôt bluffant.

L’écart se creuse entre les gammes

Un peu à l’image de notre société, l’offre de smartphones accroît chaque année l’intervalle entre les téléphones grand public « pas chers » et les téléphones « high end » qui sont la vitrine des constructeurs.

Le meilleur exemple en est le Xperia XZ Premium, le nouvel appareil proposé par Sony, une des rares nouveautés que l’on n’attendait pas au MWC. Une évolution de la version XZ lancée à l’automne dernier, retravaillée ici en version « Premium ». Equipé du processeur le plus rapide du marché, le Snapdragon 835, il fait des vidéos en 4k qui ouvrent la voie au super slow motion en 1080, un capteur photo dorsal 19 Mpx, 64 Go de stockage et un modem X16 LTE autrement nommé « Gigabit », lui aussi le plus rapide du marché. Cet appareil surdimensionné devrait probablement approcher les 1 000 euros.

Pour la forme, il conserve les caractéristiques de ses voisins, plat sur les façades hautes et arrondi sur les façades latérales. Mais il est à contre-courant de la mode du borderless, un risque sans doute, mais assumé et nécessaire quand on embarque autant de technologie. Seule concession au design, Sony s’en est remis à un boîtier miroir chromé, qui donne immédiatement un pedigree luxueux à l’ensemble.

On ne connaît pas encore précisément les caractéristiques et l’apparence du futur modèle de Samsung, le S8, mais on est déjà quasi certains de son excellence, tout comme on sait aussi que son prix sera à l’avenant.

Le modèle XZ Premium de Sony, dans son boitier chromé. | Bernard Monasterolo

Ce raffinement progressif des modèles haut de gamme ne signifie pas que les appareils d’entrée de gamme sont « pauvres », au contraire. Ils sont chaque année plus puissants pour un niveau de prix toujours moindre. Il est possible de trouver aujourd’hui sur le marché des modèles très performants au tiers voire au quart du prix des « flagships » haut de gamme. Comme le dernier Moto G5 à 250 € ou le Nokia N6 dans les mêmes gammes de prix.

Les Chinois, en général, apportent des appareils éprouvés sur leur propre marché, à des prix très faibles. Xiaomi par exemple prépare le terrain et adapte ses appareils aux bandes 700 et 800 MHz pour la 4G en France, et quand ses modèles Redmi atteindront le marché, on en entendra parler. Des opérateurs locaux sont aussi des « game changers », pour reprendre l’accroche du marseillais Wiko. Avec de produits très bons et à des prix agressifs, la société bien connue des ados dans nos écoles vient bousculer la notion de qualité et d’usage. Inutile d’avoir un téléphone à 1 000 euros pour disposer d’une excellente expérience. Toujours chez les français, Echo ou Archos viennent bousculer les idées reçues avec des smartphones à très petit prix.

Nokia, BlackBerry, Alcatel, Motorola… des marques chinoises

Les mouvements de troupe dans la guerre que se livrent les constructeurs sur le marché chinois sont impressionnants, Oppo est passé devant Xiaomi, Huawei et Vivo en volume. En embuscade, on trouve d’autres acteurs très dynamiques comme Meizu ou des marques quasi inconnues chez nous comme Ulefone, qui n’est pas au MWC, et qui se permet quand même des annonces en rafale (smartphone borderless, caméra VR, batteries 6 050 mAh…).

Mais voilà : le marché chinois est arrivé à maturité, pas encore à saturation, mais la croissance des ventes ralentit et les constructeurs chinois ont besoin d’un relais de croissance à l’international. La mise en place de ce relais ne se fait pas sans mal, la faute à l’arsenal de normes européennes et américaines, et aux protocoles spécifiques des réseaux locaux. Xiaomi s’y est cassé les dents et est en train de revoir sa copie, avec son absence au MWC cette année et le départ tout récent de Hugo Barra, son vice président américain – ce n’est pas un hasard.

Mais d’autres marques comme Huawei et Lenovo sont deux exemples réussis d’une stratégie internationale qui n’en est qu’à ses débuts. Deux possibilités pour les marques chinoises : promouvoir leur propre identité, ou aller à la facilité en rachetant des marques déjà connues du marché mondial. Lenovo a réussi son coup avec le rachat de Motorola il y a deux ans, en valorisant plutôt bien les acquis de réputation, avec des téléphones originaux comme le Moto Z. Cet appareil avait innové en fournissant des accessoires modulaires, dont le dos réalisé en partenariat avec Hasselblad, le plus prestigieux des constructeurs dans le monde de la photographie. Il faut dire que Lenovo est déjà connu du marché européen grâce à ses ordinateurs et tablettes de qualité. Transformation plutôt réussie.

Mais d’autres exemples ont des résultats plus hasardeux. TCL par exemple, énorme conglomérat chinois spécialisé dans les téléviseurs, après une première expérience de joint-venture avec Alcatel en 2004, a racheté la marque Palm à HP à la fin de 2014 et la marque Blackberry en 2016. Elle vient de lancer le premier modèle de BlackBerry au MWC, le KeyOne, qui est très beau, mais qui suscite le scepticisme de nombreux analystes.

Le modèle G5 Plus de Lenovo, un appareil de bonne qualité à un prix très raisonnable. | Bernard Monasterolo

Un autre cas de figure est celui de Nokia. La fabrication de ces téléphones est dans le giron de Microsoft depuis 2013. Mais Microsoft a revendu pour 350 millions de dollars les droits et son usine vietnamienne l’an dernier à FIH, une société taïwanaise. En parallèle, HMD, une société finlandaise, a fait l’acquisition des droits d’exploitation de la marque Nokia auprès de Nokia Corporation en Finlande, qui détient toujours les brevets.

C’est un montage complexe, mais toute la production se fait en Chine, par Foxconn, qui possède FIH, la fameuse société qui a négocié avec Microsoft. Si le grand public ne connaît pas trop Foxconn, ce constructeur est tout simplement le plus grand fabricant mondial d’informatique. C’est sans doute la raison qui explique qu’il n’a fallu que quelques mois à la marque Nokia ressuscitée par l’attelage HMD/Foxconn pour produire quatre modèles d’appareil pour le MWC cette année. Ils sont d’ailleurs plutôt réussis et dans des gammes de prix raisonnées. Le temps dira si c’était une bonne stratégie de la part de Foxconn.

Mais où donc est la réalité virtuelle ?

Il y avait peu de VR au MWC cette année. Mais tout le monde en parle, les grandes manœuvres ont commencé et les plus grandes sociétés, qu’il s’agisse de Facebook ou de Google, investissent des milliards dans ces technologies. Facebook a récemment annoncé insuffler 3 milliards de dollars dans ce secteur dont il est un acteur majeur, pour les dix prochaines années. Mais force est de constater l’absence de la réalité virtuelle (VR) sur les stands du MWC. Oui, comme pour tous les autres Salons, Samsung a son espace de jeux, des sièges et des files d’attente pour se faire peur dans des roller coasters qui donnent la nausée. Ils ont aussi annoncé un contrôleur, petit boîtier qui manquait à leur écosystème Gear.

Les attractions installées par Samsung pour présenter le potentiel de leur matériel de visualisation en VR donnent toujours une impression de foire aux salons professionnels. Le MWC 2017 n’y a pas échappé. | Bernard Monasterolo

Sur le stand LG, il y a bien la caméra vidéo en 360, qui commence à dater, mais aucune annonce. Et tout au bout du Salon, dans le hall 8, il y a Ricoh et son équipe d’ingénieurs et de commerciaux sur un stand de 30 m2. Le leader du « projet-n », Hidenao « Shu » Ubukata, est bien présent pour exposer sa Theta R, mais en tout, ils sont une petite dizaine. La Theta R est vraiment un appareil remarquable, le piqué vidéo excellent, et le « stitching », ou assemblage de l’image, comme on l’a rarement expérimenté. Les ingénieurs de Ricoh semblent avoir résolu les problèmes de parallaxe inhérents à toute vidéo en 360° (le fameux « effet Picasso »). Huawei avait aussi laissé penser qu’il présenterait son VR Headset, compatible Daydream, mais il n’était pas visible.

Le système i/o de Giroptic, qui permet de diffuser une vidéo en 360°. | Bernard Monasterolo

Enfin, c’était un autre opérateur indépendant qui venait démontrer les qualités de son dispositif de vidéo en 360 : Giroptic, la société française qui n’en est pas à son premier coup, après l’échec notoire de sa petite caméra, au grand regret des observateurs, la société étant précurseur dans le domaine. Son appareil i/o qui se branche à votre téléphone pour diffuser de la vidéo panoramique en temps réel est un concentré de technologie et fonctionne très bien.

La 5G partout, et nulle part…

Ironie du temps, ce n’est pas un téléphone qui alimentait les discussions dans les couloirs du MWC. « De toute façon, à part le 3310, ils se ressemblent tous… », pouvait-on entendre ironiquement ici et là (on n’est pas d’accord avec ce point de vue). Non, c’est la 5G qui faisait parler d’elle, une technologie invisible, mais qui devrait nous changer la vie dans un proche horizon, autour de 2020. Quelques mauvais esprits évoquaient l’idée qu’ils aimeraient bien voir un peu plus de 4G avant de parler de la 5G, mais les industriels et les constructeurs voient assez bien l’intérêt du développement des nouvelles normes de transfert de données rapides, qui pourrait aller jusqu’à plusieurs gigabits par seconde.

Tim Baxter, le PDG américain de Samsung, en a d’ailleurs fait l’introduction de sa conférence. « La 5G est la nouvelle révolution, et tout commence par le réseau », dit-il, en annonçant la production d’un routeur domestique accompagné d’une station et une offre de services associée. De nombreux tests ont commencé en Angleterre, au Japon et aux Etats-Unis, avec une mise en production à l’horizon 2018, ce qui semble un peu prématuré.

Tim Baxter, le PDG de Samsung pour le continent américain est venu présenter une partie des projets de la société concernant la 5g, lors de la conférence de presse du MWC 2017. | Bernard Monasterolo

Les ambitions de tous les producteurs de contenus dépendent aussi du déploiement de cette technologie, qui permettra le transfert massif de visualisation pour les casques de réalité virtuelle en temps réel, dans une qualité optimale, pour les applications domotiques sophistiquées ; mais aussi l’imagerie 3D et les jeux interactifs multijoueurs en temps réel. Pour la première fois dans l’histoire des télécommunications, le tuyau permettant de faire passer les données sera plus gros que les données à transmettre. Une perspective vraiment enthousiasmante.