Dans le monde anglophone, le mème « Hon hon hon » caricature la manière de rire des Français, dont la langue est peu présente dans la culture Web mondiale. / KnowYourMeme

Attention, divulgâchage : à l’image des mots « geek », « e-mail » ou « like », le français importe des termes plus qu’il n’en exporte.

Selon l’Organisation internationale de la francophonie, dont le sommet annuel s’est ouvert jeudi 11 octobre à Erevan, en Arménie, le français est la quatrième langue d’Internet. Selon W3Techs, fournisseur de service en ligne, il serait plutôt cinquième avec 4,1 % seulement des sites sur la Toile, et septième sur Twitter, avec 2 % seulement des tweets écrits en français, très loin de l’anglais (34 %) et du japonais (16 %).

840 néologismes français en vingt ans

Au niveau international, et en dehors des pays francophones, le Français a un rayonnement quasi nul dans le vocabulaire d’Internet. Un espoir se nichait dans « mème », un terme qui désigne un contenu humoristique viral sur Internet. Râté. Il ne vient pas du français « même », mais d’un néologisme forgé en 1976 par le biologiste britannique Richard Dawkins à partir du grec mimema, « chose imitée », pour désigner un contenu culturel reproductible.

Le vocabulaire français lié à la culture d’Internet se résume à des expressions propres à la francophonie, et des tentatives plus ou moins réussies de franciser des termes d’origine étrangère. Dans les deux cas, elles ne sont en usage que dans les pays francophones.

Dans la première catégorie, on trouvera les interjections mdr (mort de rire, équivalent de lol en anglais) et ses dérivés ptdr (pété de rire) et xpdr (explosé de rire) ou des créations anciennes, comme les mots ordinateur ou arobase, purs gallicismes inconnus en anglais. Dans la seconde, des termes courants comme courriel (pour e-mail), mot-dièse (pour hashtag) ou encore les très mignons clavardage (pour chat) et divulgâchage (pour spoiler), plus usités au Québec qu’en France.

En tout, plus de 840 termes ont été créés en vingt ans par la Commission de terminologie et de néologisme de la langue française, pour endiguer la propagation de termes d’origine étrangère, et nombre d’entre eux sont complètement inusités, comme ardoise électronique (supplanté par tablette), arrière-guichet (pour back office, l’envers d’un site Internet), frimousse (pour smiley), terminal de poche (pour smartphone) ou baladodiffusion (pour podcast).

Le triomphe des termes anglais et japonais

Mais la plupart du temps en vain : c’est bien souvent le terme anglais d’origine qui s’est imposé, tant pour des raisons de primauté que de brièveté. Citons en vrac, geek, pour un passionné de culture numérique ; smiley, pour un visage en caractères informatiques ; chat, pour une conversation en ligne ; e-mail, pour un courrier électronique ; Web, pour Internet ; hoax, pour un canular en ligne ; follower, pour un abonné numérique ; game, pour une partie de jeu vidéo ; like, pour un signe d’approbation ; ou encore digital, pour une version numérique. La plupart sont passés dans l’usage courant, voire pour certains, dans le dictionnaire.

L’autre langue majeure de la culture Internet mondiale, le japonais, a elle aussi une influence importante sur le français d’Internet. On lui doit les emoji, pour les icônes de visages ; otaku, pour les fondus d’animation et de jeux vidéo ; ou encore hentai, pour la pornographie sous forme de dessin animé. Il arrive également que des termes transitent de l’anglais au japonais avant d’arriver en français. Ainsi du japonais anime, venu de l’anglais animation ; ou de waifu, son personnage féminin préféré dans une œuvre de fiction, issu là aussi de l’anglais wife, épouse.

Plus à la marge, certains termes sont empruntés à des langues plus inattendues, comme l’hawaïen wikiwiki, « rapide », pour désigner un site Web collaboratif, un wiki. Sur le forum français de JeuxVideo.com, le plus fréquenté en France, le terme khey s’est également répandu pour désigner un participant. Il vient de l’arabe akhi, « frère » : signe que la langue française ne s’enrichit pas forcément que par l’anglais ou le japonais.