Gaumont abandonne les salles de cinéma pour se concentrer sur les séries
Gaumont abandonne les salles de cinéma pour se concentrer sur les séries
LE MONDE ECONOMIE
Après 16 ans d’alliance familiale, Nicolas Seydoux cède ses parts à Pathé, dirigé par son frère Jérôme, pour 380 millions d’euros.
Image tirée de la série « Narcos », produite par Gaumont pour Netflix | DANIEL DAZA/AP
Les deux frères Seydoux, Jérôme, le président de Pathé, et Nicolas, à la tête de Gaumont, mettent fin à leur alliance dans les salles de cinéma. Gaumont a annoncé, mercredi 1er mars, que Pathé s’était engagé à racheter, pour 380 millions d’euros, sa part de 34 % dans la société d’exploitation Les Cinémas Gaumont Pathé pour en devenir le seul actionnaire.
Créés en 2001 par le regroupement de l’exploitation des salles de cinéma de Gaumont et de Pathé, Les Cinémas Gaumont Pathé, présents en France, aux Pays-Bas, en Suisse et en Belgique, comptent 108 cinémas qui ont accueilli 67 millions de spectateurs l’an dernier.
Pourquoi un tel changement après seize ans d’entente familiale ? Nicolas Seydoux, 77 ans, explique au Monde que « Gaumont était très heureux de cette alliance mais en est toujours resté un actionnaire passif. Je n’ai pas l’intention d’être un retraité heureux de toucher des dividendes [entre 6 et 10 millions d’euros par an et 3,5 millions d’euros de revenus de marque]. Pathé nous a fait une offre intéressante ».
« Dès que l’on vend une série à Netflix, elle est bénéficiaire »
Gaumont a clairement l’intention, selon Nicolas Seydoux, de se focaliser sur la production internationale. « Les équipes réunies autour de Sidonie Dumas [sa fille, à qui il a passé le flambeau] sont jeunes et tournées beaucoup plus vers la production de films et de séries que vers l’exploitation », assure le président de Gaumont.
Après le succès de « Narcos » et de « Hemlock Grove », produites pour Netflix, il croit d’autant plus en l’avenir des séries qu’elles peuvent s’avérer plus rentables que le cinéma. « Quand Gaumont investit dans un film, il y a toujours un risque qui subsiste, alors que dès que l’on vend une série à Netflix, elle est bénéficiaire », affirme-t-il. Cette année, Gaumont produit une douzaine de films, aussi bien des comédies signées Olivier Nakache, Albert Dupontel ou Alain Chabat, que les films d’auteurs de Noémie Lvovsky ou Mathieu Amalric. Il livre aussi sept séries dont la troisième saison de « Narcos », la deuxième saison de « F is for Family », toujours pour Netflix, et « Trulli Tales », commandée par Disney.
Pour le président de Pathé, Jérôme Seydoux, 82 ans, qui vient de racheter les multiplexes de Luc Besson, « cette acquisition affirme clairement la volonté de Pathé de développer et de moderniser la salle de cinéma ». Ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre aussi sa politique de production.
Retrouver une trésorerie positive
Cette opération améliorera les finances de Gaumont. Son résultat net a certes augmenté de 6,2 % l’an dernier, à 18,9 millions d’euros, mais son chiffre d’affaires a baissé de 13 %, à 188,7 millions, et le groupe reste plombé par un fort endettement (205,3 millions). Les 380 millions d’euros de Pathé lui permettront de retrouver une trésorerie positive mais aussi de proposer une porte de sortie à ses actionnaires minoritaires. La majorité de ce groupe coté est détenue à 65 % par le holding de Nicolas Seydoux, tandis que le reste du capital est aux mains du fonds First Eagle (10 %), de Groupe Bolloré (10 %), de Marcel Dassault (5 %) et de petits porteurs.
Alors qu’un récent rapport de l’économiste Pierre Kopp affirmait que la concurrence était « faussée » en France par le poids des trois grands réseaux de salles (Gaumont-Pathé, CGR, UGC), Nicolas Seydoux réfute ces arguments. « C’est l’un des secteurs les moins concentrés du monde. Ceux qui disent que nous sommes trop gros devraient changer de paire de lunettes », lance le patron de Gaumont. Cet état de fait ne changera pas même s’il y a un actionnaire de moins chez Gaumont-Pathé.