Les campagnes en miroir de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon
Les campagnes en miroir de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon
Par Raphaëlle Besse Desmoulières, Bastien Bonnefous (Brest, envoyés spéciaux)
Les deux candidats de gauche à l’élection présidentielle se marquent de près lors de leurs déplacements.
Jean-Luc Mélenchon, à Brest, le 28 février. | JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE
En football, on parlerait d’un marquage à la culotte. Sur le flanc gauche de la présidentielle, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon se surveillent de près. Ces dernières semaines, les deux hommes n’ont pas réussi à s’entendre, et à moins de deux mois du premier tour de l’élection, ils restent bel et bien adversaires. Au risque de ne réussir à se qualifier pour le second tour, ni l’un ni l’autre.
Symbole de leurs campagnes en miroir, Jean-Luc Mélenchon avait réuni, mardi 28 février, ses partisans de la « France insoumise » à Brest, la ville natale de Benoît Hamon. Vingt-quatre heures plus tard, mercredi 1er mars, le député des Yvelines l’a imité. Même ville, mais deux salles différentes : le Brest Arena pour le premier, le parc des expositions Penfeld pour le second. Avec à chaque fois, plus de 3 000 personnes présentes. Match nul sur la mobilisation.
Dès sa victoire à la primaire à gauche, le 29 janvier, la stratégie de M. Hamon était simple vis-à-vis de M. Mélenchon. L’ancien ministre de l’éducation nationale avait beau dire qu’il était prêt à « discuter » avec lui, il n’en était rien en réalité. Pas question de faire tribune commune avec l’insoumis Mélenchon : trop dangereux par rapport à l’électorat de gauche modéré qui pourrait alors lui manquer. L’élu de Trappes a toujours voulu avant tout conclure un accord avec les écologistes pour se donner une dynamique de rassemblement, et mettre ainsi la pression sur M. Mélenchon en séduisant une partie de ses électeurs.
Cette feuille de route n’a pas changé, mais les dernières semaines ont embarqué M. Hamon dans un feuilleton médiatique improductif avec le chef de file de la France insoumise, pour au final, un dîner discret, vendredi 24 février, pour acter leur divorce. « Hamon a perdu trop de temps avec son vrai-faux dialogue avec Mélenchon », avoue un des lieutenants du socialiste.
D’un meeting l’autre, les deux candidats, qui ont convenu d’un « code de respect mutuel », se jaugent, mais sans se nommer. Au Brest Arena, mardi, M. Mélenchon a déploré de devoir expliquer « pourquoi il y a des additions qui ne font pas aussi commodément que le voudraient les observateurs qui prononcent des amnisties générales ». Planification écologique, retraite à 60 ans, « Sécurité sociale intégrale » : lui veut croire que la « cohérence » dont il a fait preuve contre le PS depuis le début du quinquennat lui sera payée en retour.
« L’agenda d’Hamon, un hologramme » de celui de Mélenchon
Parti en campagne en février 2016, le député européen connaît un trou d’air depuis la désignation de M. Hamon fin janvier. « Jean-Luc Mélenchon s’était préparé à affronter Hollande ou Valls, et il se retrouve avec Hamon qui, sur bien des sujets, parle mieux que lui », sourit l’écologiste Yannick Jadot, qui a accompagné M. Hamon toute la journée de mercredi dans sa tournée bretonne.
Alexis Corbière, porte-parole de M. Mélenchon, ne semble pas pour autant spécialement inquiet : « “Je ne courrai pas après Jean-Luc Mélenchon’’, a dit Hamon. En attendant, son agenda marche dans nos pas. Cela ne démontre pas une grande originalité de ses équipes. Si j’osais, je dirais que son agenda ressemble à un hologramme du nôtre… Mais gare à lui, malgré l’illusion d’optique, personne ne peut s’appuyer sur un hologramme. »
Mercredi soir, lors de son meeting brestois, M. Hamon n’a pas prononcé non plus une seule fois le nom de son rival à gauche. Actualité oblige, il a évoqué M. Fillon dont l’attaque, le matin même, contre les magistrats « a montré qu’il était indigne d’occuper la fonction de président de la République », a estimé le député des Yvelines. Mais le socialiste a surtout délivré pendant plus d’une heure une ode aux services publics et aux fonctionnaires qui « sont les héros de notre quotidien ».
Un moyen de se distinguer de MM. Fillon et Macron, qui veulent tous deux en diminuer le nombre, et de Mme Le Pen qui « veut les mettre au pas », selon M. Hamon. Mais aussi de s’adresser aux électeurs de M. Mélenchon. « Jean-Luc Mélenchon a un socle électoral important parmi les classes populaires et les fonctionnaires, explique la députée du Finistère et ancienne ministre, Marylise Lebranchu, elle aussi présente mercredi. Pour les convaincre, Benoît Hamon doit continuer à insister sur les questions du travail et des services publics. »
Benoît Hamon, àun meeting de campagne à Brest, mercredi 1er mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"
« Nous sommes le nombre, c’est notre force »
En promettant la revalorisation du point d’indice, la création de postes dans l’éducation nationale ou la police, la « réorganisation du travail » à l’hôpital public, et en s’engageant à faire inscrire dans la loi le droit à un accès pour tous à des services publics « à moins de trente minutes de son domicile », M. Hamon calibre son discours à gauche. « Je ne supporte plus cette politique antifonctionnaires qui sert de commerce électoral », s’insurge-t-il, précisant que « les fonctionnaires ne sont ni des chiffres, ni des sondages, mais des visages ».
Pour affaiblir M. Mélenchon, l’équipe de M. Hamon espère toujours un mouvement chez les communistes, alliés jusqu’à présent du député européen. « Si on fait décrocher durablement Mélenchon dans les sondages, ça bougera chez les communistes, au nom du vote utile face au FN, mais aussi des calculs pour les législatives », veut croire un proche du candidat socialiste. Mais pour l’instant, MM. Hamon et Mélenchon se talonnent dans les sondages.
« Nous sommes le nombre, c’est notre principale force », a lancé, mardi, le leader de la France insoumise à ses partisans, les invitant à venir grossir les rangs de sa « marche pour la VIe République », le 18 mars à Paris. Annoncé dès 2016, ce défilé, de Bastille à République, doit être pour le fondateur du Parti de gauche une démonstration de force, un mois avant le premier tour de la présidentielle et cinq ans jour pour jour après celui de 2012 qui avait marqué un tournant dans sa campagne. Le même week-end, M. Hamon a lui aussi décidé d’organiser le lendemain, le 19 mars à Bercy, son grand meeting d’avant-premier tour. Ou comment poursuivre jusqu’au bout la compétition entre les deux hommes.