Les enjeux de la visite d’Angela Merkel au Caire et à Tunis
Les enjeux de la visite d’Angela Merkel au Caire et à Tunis
Le Monde.fr avec AFP
Stabilisation de la Libye, migrants, mais aussi investissements économiques seront au cœur des discussions avec les présidents égyptien et tunisien.
Stabiliser la Libye et endiguer l’afflux de migrants par la Méditerranée, ces deux thèmes profondément liés et cruciaux pour l’Union européenne doivent dominer la visite de la chancelière allemande, Angela Merkel jeudi 2 mars au Caire et vendredi 3 à Tunis.
Il y sera aussi question de coopération économique, l’Egypte comme la Tunisie étant en quête d’assistance et d’investissements pour relancer des économies atones minées par le chômage.
Mais c’est bien la Libye, située entre ces deux pays, plongée dans le chaos depuis 2011 et tête de pont pour les migrants tentant de rejoindre l’Europe, qui sera au cœur des discussions de la chancelière avec les présidents égyptien Abdel Fatah Al-Sissi et tunisien Béji Caïd Essebsi.
Accords sur les renvois de migrants
« Sans stabilisation politique de la Libye, nous ne pourrons pas faire cesser les activités des passeurs et trafiquants [d’êtres humains] qui travaillent depuis la Libye » vers l’Italie, a indiqué Mme Merkel samedi. « L’Egypte, en tant qu’institution et puissance régionale, joue ici un grand rôle, tout comme l’Algérie et la Tunisie », a-t-elle ajouté.
La fermeture des routes migratoires en Afrique vers la Libye, dont les frontières échappent à tout contrôle, devrait en particulier être étudiée. Mme Merkel, qui a porté ce message à l’automne au Mali et au Niger, avait prévu d’en faire autant en février à Alger, avant l’annulation de sa visite en raison de l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika.
Car, avec la fermeture de la « route migratoire des Balkans » début 2016, la Libye est redevenue, malgré les dangers de la traversée, le point de départ numéro un pour ceux qui désirent rejoindre l’Europe.
Selon les chiffres du gouvernement italien, quelque 13 400 arrivées ont été recensées en janvier et février, soit une hausse de 50 % à 70 % par rapport aux deux premiers mois de 2015 et 2016.
Mme Merkel, sous pression chez elle et en Europe pour avoir ouvert son pays à plus d’un million de demandeurs d’asile, a depuis début 2016 pris la tête des efforts européens pour réduire l’afflux, prônant notamment des accords de renvoi de migrants vers leur pays de transit, comme c’est le cas avec la Turquie. La thématique est d’autant plus importante qu’elle risque de dominer la campagne des élections législatives du 24 septembre en Allemagne, lors desquelles Mme Merkel vise un quatrième mandat.
Pour autant, la question controversée de l’installation de camps en Afrique du Nord pour y retenir les migrants ne devrait pas figurer, du moins publiquement, à l’agenda des discussions du Caire et de Tunis. Cette idée, évoquée par Mme Merkel, a été rejetée sans équivoque par le premier ministre tunisien Youssef Chahed à la veille de sa visite à Berlin le 14 février.
« Exercice de la démocratie »
Tunis et Berlin ont aussi affiché leur volonté de tourner la page des tensions sur la question des expulsions d’Allemagne de sans-papiers tunisiens, alors que le gouvernement tunisien a été accusé de freiner artificiellement ces retours.
Cas emblématique, Tunis avait refusé le rapatriement d’Anis Amri, qui finira par tuer douze personnes à Berlin le 19 décembre 2016 en attaquant au camion-bélier un marché de Noël pour le compte du groupe Etat islamique.
L’ambassadeur d’Allemagne en Tunisie, Andreas Reinicke, a jugé que les choses « se sont améliorées dernièrement et vont encore s’améliorer ».
Au large de la Libye en octobre 2016. | ARIS MESSINIS/AFP
Dès lors, une source officielle tunisienne s’exprimant sous couvert d’anonymat considère que la visite de la chancelière est l’occasion de « se focaliser sur les dossiers d’investissement », la relance de l’économie étant une condition clé pour pérenniser la stabilité de la Tunisie.
En Egypte, la question des droits humains et les obstacles au travail des organisations et fondations allemandes engagées dans le développement de la société civile doivent aussi être abordés. « Vous savez que le gouvernement dans ses relations avec les gouvernements étrangers accorde beaucoup d’importance au respect des droits humains et au respect de l’Etat de droit », a souligné vendredi Ulrike Demmer, une porte-parole de la chancelière.
A Tunis, dans un discours devant le Parlement, Angela Merkel compte évoquer les progrès en la matière de la Tunisie, tout en soulignant que ces avancées « doivent se muer en exercice vivant de la démocratie ».