Le chef de la délégation du régime de Damas, Bachar Al-Jaafari, en conférence de presse en marge des négociations inter-syriennes au Palais des nations, à Genève, jeudi 2 mars. | PHILIPPE DESMAZES / AFP

Aucune délégation n’a encore claqué la porte mais les pourparlers intersyriens sous l’égide des Nations unies entre Damas et l’opposition commencés à Genève le 23 février piétinent sur fond d’invectives et de surenchères. « Il y a pourtant des choses qui bougent et un nouvel état d’esprit », veut croire un diplomate occidental, alors que la première session des discussions devait s’achever comme prévu vendredi 3 mars, pour reprendre à la fin du mois.

L’intensification des combats fragilisant le cessez-le-feu du 30 décembre négocié par la Russie et la Turquie risque pourtant de donner le coup de grâce à ce processus dit de « Genève 4 ».

Les gains militaires des forces du régime aidés par ses alliés russes et iraniens – en particulier la reprise de l’est d’Alep – ont changé la donne par rapport aux négociations du printemps 2016. Damas se sent d’autant plus en position de force que son parrain russe profite du flou de la nouvelle administration américaine. « Nous ne pouvons pas permettre à l’opposition de prendre les pourparlers en otage », a déclaré lors d’une conférence de presse le chef de la délégation du régime de Damas, Bachar Al-Jaafari, avertissant que celle-ci « serait considérée comme responsable de tout échec » des pourparlers.

« Pas de solution militaire »

Assurant que le régime continuerait à se battre jusqu’à la reconquête totale du territoire, il a accusé les groupes rebelles sur le terrain d’être aux ordres de l’étranger. « Certains sont en cheville avec Israël, ce qui représente la pire forme de trahison, d’autres avec les Saoudiens, d’autres avec les Turcs. Ces groupes ne sont pas indépendants, et nous les considérerons comme terroristes jusqu’à preuve du contraire », a-t-il précisé.

Un peu plus tôt, depuis Moscou, la porte-parole de la diplomatie russe avait accusé le Haut Comité des négociations (HCN), principal représentant de l’opposition à Genève, de « saboter » les pourparlers. Une douche froide pour les adversaires du régime, militairement et politiquement affaiblis, qui misaient sur une médiation russe.

« Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas de solution militaire, nous allons sur une solution politique. Mais il n’y a pas de perspective », déplore Bassma Kodmani, l’une des négociatrices du HCN. Malgré les efforts du médiateur de l’ONU, Staffan de Mistura, le régime et l’opposition n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le format des discussions ni sur la manière dont elles seront menées.

Toujours en désaccord sur le sort de Bachar Al-Assad

Damas et Moscou pressent pour que les groupes de l’opposition dits du Caire et de Moscou – jugés plus favorables au régime – aient le statut de négociateurs à part entière. Lors de la séance d’ouverture le 23 février, dans la grande salle du Palais des nations, ils étaient aux côtés du HCN mais à des tables séparées. Ce fut la seule fois où toutes les parties furent face à face. Le HCN est prêt à des discussions directes mais le régime s’y refuse.

En revanche, il pourrait y avoir finalement un accord sur l’ordre du jour. Damas exige que la question du « terrorisme » y soit aussi inscrite, l’opposition craint une manœuvre pour éluder les questions de fond : la gouvernance, une nouvelle Constitution, des élections « libres et régulières ». Ces thèmes sont ceux de la feuille de route pour une solution politique du conflit telle qu’elle est fixée par la résolution 2254 des Nations unies de décembre 2015.

La question la plus sensible est celle de la transition. Pour le régime comme pour ses parrains russe et iranien, Bachar Al-Assad doit rester au pouvoir, alors que l’opposition exige toujours son départ.