Le 5 marrs 2017 à Pékin. | WANG ZHAO / AFP

La session annuelle de l’Assemblée nationale populaire (APN) – le parlement chinois – s’est ouverte dimanche 5 mars au matin avec le rapport d’activité du gouvernement, présenté par le premier ministre Li Keqiang. Cette grand-messe de printemps de la démocratie socialiste chinoise, qui se tient jusqu’au 15 mars, est la dernière avant le 19e Congrès du parti communiste chinois (PCC) à l’automne prochain, au terme duquel celui-ci renouvellera ses instances dirigeantes.

L’APN regroupe quelque trois mille députés, pour près de 70 % d’entre eux bureaucrates et membres du parti. Elle est complétée par une chambre « consultative », la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), forte de 2 000 délégués, pour leur part en majorité non communistes, et issues des élites traditionnelles et nouvelles – comme les entrepreneurs privés ou les célébrités du spectacle.

  • Que retenir du rapport d’activité du premier ministre Li Keqiang ?

Le rapport d’activité est un exercice très balisé, dans la mesure où il s’agit pour le chef du gouvernement de passer en revue l’ensemble des actions de l’année écoulée, et les défis à venir. M. Li a donné comme cible de croissance 6,5 % pour l’année 2017 – contre une fourchette comprise entre 6,5 et 7 % l’an dernier. La croissance s’est finalement établie à 6,7 % en 2016. Dans son rapport, le gouvernement veut montrer qu’il a en tête tous les dossiers économiques ou sociaux pouvant poser problème : la dette, les retraites, l’embauche des diplômés, la réforme du permis de résidence pour les paysans souhaitant s’installer en ville ou encore la lutte contre la pollution. Cette année, M. Li a insisté pour la première fois sur le cas des vétérans de l’armée populaire, promettant que le gouvernement ne les laissera pas tomber : ce nouveau souci répond à plusieurs manifestations d’anciens cadres de l’armée à Pékin depuis que le président Xi Jinping a annoncé une grande réforme des forces armées chinoises en septembre 2015. L’augmentation du budget de l’armée, annoncée vendredi, sera de 7 % en 2017 comme en 2016. M. Li Keqiang s’est peu exprimé sur la lutte anti-corruption, qui fut le grand chantier des quatre dernières années, signalant que celui-ci est aujourd’hui moins prioritaire.

Par ailleurs, le premier ministre chinois a pris soin d’afficher l’intransigeance de la Chine vis-à-vis de toute activité séparatiste ou indépendantiste à Hongkong et Taïwan. Hongkong, qui fêtera le 1er juillet 2017 les 20 ans de sa rétrocession à la Chine, doit nommer un nouveau chef de l’exécutif en mars. Toute une partie du discours de Li Keqiang a été consacrée à réaffirmer l’ardente obligation de « suivre la direction du Comité central avec pour noyau dur le camarade Xi Jinping » – M. Xi étant désormais officiellement désigné ainsi depuis le plénum du parti de l’automne 2016. Les rapports d’activités présentés dans différents domaines tout au long de la session parlementaire, ainsi que le budget de l’Etat et de l’armée, seront soumis le dernier jour de la session à l’approbation des parlementaires. Aucun n’est jamais rejeté, mais un taux relativement élevé d’avis négatifs peut indiquer des divergences. La plupart des lois en Chine sont approuvées à d’autres moments de l’année par le seul Comité permanent de l’APN.

  • Quels sont les enjeux de la session parlementaire chinoise 2017 ?

Avec le 19e Congrès en ligne de mire, les médias et pékinologues sont à l’affût de signes de force ou de faiblesse parmi les vétérans et les figures montantes de la politique chinoise. L’enjeu du 19e Congrès, lors duquel Xi Jinping doit se succéder à lui-même pour un nouveau mandat de cinq ans, est la composition du prochain bureau politique (dont onze des actuels 25 membres doivent partir à la retraite), et de son comité permanent (cinq des membres en dehors de Xi Jinping, 63 ans, et de son premier ministre Li Keqiang, sont appelés à prendre leur retraite). La limite d’âge est de 68 ans, en vertu de règles non écrites qui ont pu par le passé être ajustées selon les enjeux politiques.

L’un des dossiers examinés de près est le chantier de la réforme du système de lutte contre la corruption : le PCC a annoncé en janvier dernier la création prochaine d’une nouvelle Commission de supervision nationale qui combinera les fonctions de la redoutable police anti-corruption du parti (la Commission centrale de discipline du parti), ainsi que celles du ministère de la supervision (chargé de la corruption parmi les fonctionnaires) et le parquet anti-corruption. La direction de cette super-agence pourrait être confiée au tsar anti-corruption Wang Qishan, lui permettant de continuer à jouer un rôle majeur dans la direction du pays au-delà du 19e Congrès, qui doit en principe le voir prendre sa retraite (il aura alors 69 ans).

Lors de cette session parlementaire, les regards vont également se porter sur les dirigeants de provinces, appelés à présenter en conférence de presse un bilan de leurs politiques. C’est parmi eux que figurent plusieurs candidats à l’accession au Politburo (25 membres) ou à son Comité permanent, le saint des saints, lors du 19e Congrès. Ainsi de Hu Chunhua et Sun Zhengcai, premiers secrétaires respectivement de la province du Guangdong et de la municipalité géante de Chongqing, déjà membres du Politburo mais susceptibles d’être promus au comité permanent, même s’ils ne sont pas considérés comme des protégés de Xi Jinping. Ou encore de Chen Min’er, le chef du parti de la province reculée du Guizhou, considéré comme l’un des hommes clés de la « nouvelle armée du Zhijiang », l’expression que les politologues utilisent désormais pour désigner les protégés de Xi Jinping. « Zhijiang » est un jeu de mot sur la province du Zhejiang, autour de Shanghai, où la plupart ont fait leur preuve lorsque Xi Jinping y a fait carrière au début des années 2000. Chen Min’er est au Comité central, et certains pronostiquent qu’il pourrait passer directement au Comité permanent fin 2017.

  • Quels débats ont lieu durant la session parlementaire ?

Ce sont les débats au sein de la Conférence consultative du peuple (CCPPC) qui présentent souvent le plus d’intérêt pour la population chinoise. La CCPPC qui n’a aucun pouvoir, sert de caisse de résonance aux préoccupations du moment et est une rare occasion pour des voix non officielles, mais influentes, de faire entendre un avis divergent sur certaines questions de gouvernance, sans toutefois franchir la ligne rouge que constitue toute critique du parti communiste et de son monopole sur le pouvoir. Lors de son ouverture le 3 mars, l’un de ses vice-présidents, Luo Fuhe, venu du milieu universitaire, s’est ainsi longuement exprimé sur les difficultés que posent pour la recherche les restrictions d’accès pour les Chinois aux sites Internet étrangers. Il a jugé cette situation contraire au principe de « l’ouverture » de la Chine et désavantageuse pour les universités chinoises.