La méthode Janaillac aurait-elle atteint ses limites ? Apprécié jusqu’ici pour la qualité de son dialogue social, Jean-Marc Janaillac, le PDG d’Air France-KLM, n’a rien pu faire cette fois pour éviter le conflit. Deux appels à la grève de différentes catégories de personnels de la compagnie ont été lancés. A l’appel de la CGT, rejoint par FO, l’UNSA, SUD Aérien et Alter, un syndicat minoritaire de pilotes, ce sont les personnels au sol qui sont invités à arrêter le travail mardi 7 mars.

Un mouvement qui semble avoir fait tache d’huile. L’intersyndicale des personnels navigants commerciaux, SNPNC-FO, UNSA PNC, CFTC, SUD Aérien et SNGAF, soit 70 % des hôtesses et stewards d’Air France, a, à son tour, déposé un préavis de grève du 18 au 20 mars. Néanmoins, les deux conflits à venir ne poursuivent pas les mêmes objectifs. C’est en tout cas le constat fait du côté de la direction de la compagnie où l’on estime que « les deux mouvements n’ont absolument rien à voir ». Sans nul doute, la volonté des personnels au sol est de faire une démonstration de force alors que s’ouvrent, mardi, les négociations annuelles obligatoires (NAO) entre syndicats et direction.

Cette année, la CGT, avec le renfort de ses alliés, compte bien obtenir une nette revalorisation des salaires. Elle réclame « 5 % d’augmentation pour l’ensemble des salariés, soit un minimum de 127 euros », indique Miguel Fortea, secrétaire général de la CGT Air France. Un chiffre qui ne doit rien au hasard. C’est le pourcentage de l’augmentation moyenne, en 2016, des quatorze membres du comité exécutif d’Air France. Des hausses de revenus qui avaient provoqué la colère des syndicats.

La direction s’emploie à rassurer les PNC

A la suite « d’une succession d’erreurs », comme l’a reconnu le PDG d’Air France-KLM, les salariés avaient pu croire que l’enveloppe destinée à la rémunération des membres du comité exécutif avait brutalement enflé de 2 millions d’euros, soit 67 % d’augmentation. Surtout, ces hausses font mauvais genre alors que, comme on le reconnaît dans l’entourage de la direction, les « revendications des syndicats sont compréhensibles » car, s’ils n’obtiennent rien, ce serait « la sixième année sans augmentation générale pour les salariés ». Les syndicats n’entendent pas relâcher la pression. Notamment la CGT. M. Fortea évoque même des « bruits de couloir », selon lesquels « la direction se sentirait obligée de lâcher quelque chose ». Toutefois, le syndicat admet ne pas avoir « le moindre contact avec la direction d’Air France ».

L’appel à la grève des syndicats de PNC répond à une tout autre logique. Le motif de leur inquiétude, c’est Boost, le projet de compagnie filialisée et à bas coûts préparé par la direction. Pour être rentable, Boost a prévu de recruter des PNC payés bien moins cher que leurs homologues d’Air France. Une économie de « 40 % à 55 % sur le coût du PNC est tout simplement inatteignable en interne et inacceptable en externe », a dénoncé le SNPNC. Les syndicats d’hôtesses et de stewards redoutent une cannibalisation d’Air France par sa future filiale. Après huit années sans embauches, ils craignent que Boost ne les transforme en « réserve d’Indiens ».

Rassurer les PNC

Pourtant, la direction s’emploie à rassurer les PNC. Dans le projet d’accord, ouvert à la signature jusqu’au 15 mars, Air France propose un accord collectif de quatre ans. La direction a aussi mis sur la table « un accord de périmètre » copié sur le modèle de celui accordé aux pilotes. Il limite le développement de Boost à 10 avions long-courriers et 18 moyen-courriers. Pour arracher la signature des syndicats, Air France s’engagerait aussi à recruter 400 PNC en quatre ans. La durée de l’accord collectif.

La contestation syndicale chez Air France va se dérouler avec, pour toile de fond, une nouvelle grève d’une partie des contrôleurs aériens. A l’appel de l’UNSA-ICNA, un syndicat minoritaire, les aiguilleurs du ciel sont appelés à cesser le travail du mardi 6 au vendredi 10 mars. L’UNSA-ICNA est en conflit avec la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) sur l’organisation du temps de travail. La DGAC a demandé aux compagnies de réduire de 25 % à 33 % leurs vols survolant ou desservant le sud et l’ouest de la France. Air France ne devrait pas être trop touchée par ce conflit. La compagnie prévoit d’assurer « 99 % de ses vols long et moyen-courriers et 80 % des vols domestiques ».