Au Nigeria, le gouvernement lance un vaste plan de réformes économiques
Au Nigeria, le gouvernement lance un vaste plan de réformes économiques
Le Monde.fr avec AFP
Abuja tente d’enrayer la crise qui secoue le pays. Les économistes restent « dubitatifs » face à des objectifs qu’ils jugent difficiles à atteindre.
Après des mois de récession et de critiques sur la gestion du pays, le gouvernement nigérian s’est engagé dans une nouvelle politique économique, jugée très ambitieuse par les économistes, que l’objectif de croissance de 7 % d’ici à 2020 laisse perplexes.
Le vaste plan de réformes, publié mardi 7 mars par Abuja, était très attendu par les bailleurs de fonds internationaux pour sortir le géant pétrolier ouest-africain de la pire crise économique qu’il a connue depuis vingt-cinq ans.
« L’un des principaux objectifs du document était sans doute d’inciter la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) à accorder plus de fonds au Nigeria, puisqu’elles avaient toutes deux réclamé un plan détaillé comme condition préalable », estime John Asbourne, analyste Afrique au cabinet de recherche indépendant Capital Economics.
Sévère contraction de l’économie
Dans un document de 140 pages, le ministère nigérian du budget dresse un constat sombre de la situation actuelle : chute des recettes publiques, affaiblissement du naira par rapport au dollar, inflation à deux chiffres, effondrement mondial des prix du brut, attaques rebelles sur les installations pétrolières du sud du Nigeria qui ont affecté la production nationale.
On y lit la défaite de la politique menée jusqu’alors par le gouvernement : « L’administration actuelle reconnaît que l’économie continuera probablement à décliner de manière constante et vertigineuse si rien n’est fait pour changer de trajectoire. »
A l’horizon 2020, le plan de relance vise à diversifier l’économie avec des secteurs clés comme l’agriculture ou l’énergie, tout en stimulant la production d’or noir pour la porter à nouveau à 2,5 millions de barils par jour (contre 1,9 million de barils actuellement). Le gouvernement, qui a lancé de grands projets d’infrastructures, notamment pour développer le réseau de transports à l’intérieur du pays, espère aussi faire des économies en vendant ou en réduisant sa participation dans certains actifs comme des compagnies d’Etat pétrolières.
L’objectif à terme est de faire grimper le PIB de 4,6 % en moyenne par an jusqu’en 2020, pour atteindre une croissance de 7 %. Des chiffres bien loin du marasme actuel, l’économie du Nigeria ayant souffert d’une sévère contraction (-1,5 % en 2016).
Si le plan est globalement « positif » et « encourageant », selon l’économiste Razia Khan, de la Standard Chartered Bank, « la question est de savoir comment il va être mis en œuvre et avec quelle rapidité », a-t-il nuancé auprès de l’AFP.
L’ambitieux programme assigne d’ailleurs des objectifs précis à chaque ministre et prévoit la création d’une « unité d’exécution » uniquement pour superviser la mise en œuvre du plan.
Taux de change flexible
Mais les attentes les plus grandes concernent la politique monétaire : le gouvernement opère un virage à 180 degrés et envisage pour la première fois de « mettre en place un régime de change déterminé par le marché pour renforcer la confiance et encourager l’entrée de devises » dans le pays. La Banque centrale nigériane (BCN), soutenue par le président Muhammadu Buhari, est accusée depuis des mois d’avoir fait fuir les investisseurs en refusant toute dévaluation et en maintenant la valeur du naira à un taux artificiel (315 nairas pour un dollar, contre 520 au marché noir). En février, pour soulager les opérateurs économiques asphyxiés, la BCN avait accepté de puiser dans ses réserves de change et d’injecter dans l’économie plusieurs centaines de milliards de dollars. Cependant, ces mesures ponctuelles n’ont rien résolu sur le long terme.
La mise en place d’un taux de change flexible rend les économistes dubitatifs, d’autant que les modalités ne sont pas précisées. « La réforme centrale est la politique de change parce que c’est le goulot d’étranglement qui freine beaucoup d’activités, estime Razia Khan. Tant que nous n’avons pas plus de clarté sur la façon dont cette question va être traitée, il est très difficile de déterminer quelles seront les conséquences sur la croissance. »
Pour John Asbourne, de Capital Economics, le programme comporte des contradictions et laisse entrevoir « peu de changement », dans la mesure où le gouvernement continue à tabler sur un taux de change « peu réaliste » de 305 nairas par dollar jusqu’en 2020. « Vouloir un taux de change stable n’est pas nécessairement une mauvaise chose, explique-t-il à l’AFP, mais cela ouvre la possibilité que la Banque centrale intervienne pour le stabiliser, ce qui ne sera donc pas très différent du système actuel. »