Les fausses informations parviennent-elles modifier profondément l’opinion publique ? Le baromètre 2017 de la « confiance des Français dans les médias » Kantar Sofres pour La Croix, publié en février, donne quelques cas instructifs. Entre 10 et 40 % des 1 011 personnes interrogées ont, selon les cas, déclaré considérer comme « vraies » les sept fausses nouvelles qui leur étaient proposées. Comment ces intox ont-elles pu prospérer ? Qui les a relayées ? Ont-elles été démenties ? Retour sur trois cas marquants.

1. « En France, l’Etat a réservé plus de 77 000 HLM pour l’accueil des familles de migrants »

39 % DES PERSONNES INTERROGÉES Y ONT CRU

29 % de « probablement vrai », 10 % de « certainement vrai »

Pourquoi c’est faux ? Tout est parti d’une tribune publiée le 12 septembre 2015 dans Le Plus de L’Obs par l’ancienne ministre Marie-Arlette Carlotti. Cette dernière constatait que 77 310 logements sociaux étaient alors en attente de locataires. Elle proposait donc d’en réserver, sous critères de conditions d’accueil, une certaine partie à des migrants, ces derniers disposant « d’un statut clair et ne se posant pas en concurrence avec d’autres publics en grande précarité ».

Le chiffre de « 77 000 » logements n’était donc ni un objectif en soi, ni une mesure entérinée, mais une simple proposition, non reprise par le gouvernement.

Qui a relayé la rumeur ? Plusieurs responsables du Front national, dont Marine Le Pen et Florian Philippot, ainsi que des sites d’extrême droite comme Riposte laïque ou lagauchematuer.fr ou encore lesobservateurs.ch.

Qui l’a démentie ? Le Monde, Libération, 20 Minutes ou encore La Croix. On note en revanche que de nombreux titres d’articles, comme celui du Figaro à l’époque (« Plus de 77 000 HLM seraient disponibles pour des réfugiés »), ont pu contribuer à la confusion. Le site fdesouche.com a ainsi repris l’information de manière ambiguë, sous le titre : « Plus de 77 000 HLM seraient disponibles pour des migrants ».

2. « Hillary Clinton était gravement malade durant la campagne présidentielle américaine »

36 % DES PERSONNES INTERROGÉES Y ONT CRU

27 % de « probablement vrai », 9 % de « certainement vrai ».

Pourquoi c’est faux ? « Hillary n’a plus que six mois à vivre », « elle dort tout le temps », « elle est incapable de monter des escaliers »… De nombreuses rumeurs ont circulé au sujet de la santé de la candidate à l’élection présidentielle américaine de 2016. Elles étaient en réalité infondées, voire basées sur de faux documents ou des faits déformés pour certaines.

Il faut néanmoins noter qu’ici, le poison du soupçon a sans doute été en partie décuplé par les choix de l’intéressée. Hillary Clinton a en effet caché pendant plusieurs jours être atteinte d’une pneumonie début septembre 2016, avant de faire un malaise pendant la cérémonie en mémoire des victimes du 11 septembre 2001 à New York. Episode au bout duquel la démocrate a finalement dû avouer sa maladie et annuler en catastrophe ses déplacements de campagne les jours suivants. Reste, néanmoins, qu’aucun élément sérieux ne permettait à l’époque, pas plus qu’aujourd’hui, d’affirmer que la femme politique était « gravement malade », comme le prétendaient de nombreux sites peu fiables.

Qui a relayé la rumeur ? Donald Trump a lui-même repris certaines de ces accusations au cours de sa campagne, accusant notamment à tort sa rivale de ne faire qu’un discours tous les trois jours. Surtout, ces dernières ont fait le tour de nombreux sites, pages Facebook et comptes Twitter prêts à tout pour discréditer la candidate : on peut par exemple citer The Drudge Report, Breitbart, Infowars, Zero Hedge, The Gateway Pundit, Truthfeed… Des articles souvent partagés des dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. En France, des sites comme fdesouche.com, fawkes-news.com, dreuz.info ou Egalité et Réconciliation ont également repris à leur compte ces rumeurs.

Qui a démenti la rumeur ? De nombreux médias américains ont essayé d’endiguer les fausses informations sur la santé de la candidate, sans grand succès : FactCheck.org, USA Today, Snopes, CBS News

3. « Les usines de charbon allemandes sont responsables des pics de pollution de décembre en France »

33 % DES PERSONNES INTERROGÉES Y ONT CRU

27 % de « probablement vrai », 6 % de « certainement vrai ».

Pourquoi c’est faux ? Tous les épisodes de pollution n’ont pas les mêmes caractéristiques. Mais dans ce cas précis, les conclusions des experts étaient concordantes : les pics de pollution de début décembre 2016 étaient majoritairement causés par des émissions locales, avec des vents quasiment nuls. Pour tenter de remettre en cause ces faits, concernant cet épisode précis, il faudrait démontrer que les méthodes employées notamment par Airparif (l’observatoire de la qualité de l’air en Ile-de-France) pour déterminer l’origine des particules fines dans l’air ne sont pas les bonnes, ce qui n’a pas été fait à notre connaissance.

Qui a relayé la rumeur ? Le blog Les Econoclastes a publié une analyse toute personnelle de l’origine du pic de pollution le 10 décembre 2016, accusant les médias de « désinformation » car ils ne parlaient pas du fait que les centrales à charbon allemandes seraient en grande partie responsable de la pollution. Démenties par les experts, ces affirmations n’ont jamais été corrigées depuis.

La fausse information a en revanche été relayée par des éditorialistes de rédactions réputées, ou encore par l’économiste Jacques Sapir.

Qui a démenti la rumeur ? Plusieurs médias dont Le Monde, France Info, L’Express ou encore Sud Ouest.

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