Faut-il « entraîner » les automobilistes à conduire les voitures semi-autonomes ?
Faut-il « entraîner » les automobilistes à conduire les voitures semi-autonomes ?
Par Martin Untersinger (Austin (Etats-Unis), envoyé spécial)
En attendant la voiture totalement autonome, la voiture partiellement automatisée pose des questions en matière de sécurité et de formation des conducteurs.
En attendant la voiture totalement autonome, la voiture partiellement automatisée pose des questions en matière de sécurité et de formation des conducteurs. | Tony Gutierrez / AP
Samedi 7 mai 2016 : Joshua Brown file sur une voie rapide de Floride à bord de son automobile dernier cri, une Tesla. Le mode « pilote automatique » de ce modèle de voiture électrique de luxe est activé : la berline conserve automatiquement une distance de sécurité avec le véhicule qui la précède et freine en cas d’obstacle.
Mais lorsqu’un semi-remorque, tournant à gauche, lui coupe la route, la voiture ne réagit pas et va s’écraser contre le camion, tuant son conducteur. En janvier, la sécurité routière américaine (National highway traffic safety administration, NHTSA) a mis hors de cause le programme, estimant que M. Brown était en faute, puisque la conduite assistée de la Tesla nécessitait « l’attention entière et constante du conducteur pour observer l’environnement et être prêt à intervenir pour éviter un accident ».
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Ce dramatique épisode a mis en lumière une question cruciale posée par l’autonomisation croissante des véhicules : comment sécuriser la cohabitation entre un véhicule partiellement autonome avec un conducteur, humain et donc faillible ? La question est centrale, a rappelé Catherine McCullough, la directrice de l’Intelligent Car Coalition, un think-tank basé à Washington, lors d’une conférence organisée dans le cadre du festival de technologie SXSW qui se déroule à Austin (Etats-Unis), du 10 au 14 mars.
« Quand on parle de véhicules autonomes, les gens pensent à une voiture entièrement robotisée. Mais nous n’y sommes pas encore, il va falloir du temps, et entre-temps il y aura beaucoup d’interactions entre humains et véhicules. »
Le danger est entre le volant et le siège
L’enjeu est donc double. Technique, d’abord : paramétrer les machines pour qu’elles laissent à l’humain le contrôle du véhicule lorsque la situation devient dangereuse et excède leurs capacités. Humaine, ensuite : faire en sorte, par des dispositifs techniques notamment, que l’être humain derrière le volant reste alerte et prêt à réagir.
C’est presque ce second enjeu qui est le plus retors. « Il y a cette inquiétude que plus les gens seront dépendants à la technologie, plus ils deviendront mauvais conducteurs », explique ainsi Nathaniel Beuse, responsable notamment des voitures intelligentes pour la NHTSA.
Axel Nix, ingénieur chez Harman, abonde en se référant à sa propre expérience :
« Quand vous montez dans une voiture autonome, au début, c’est étrange. Mais au bout de quelques heures vous êtes convaincu qu’elle n’aura jamais aucun problème, que ça marchera toujours parfaitement. C’est une tendance naturelle. »
Cette question de « l’entraînement » des humains à conduire des véhicules semi-autonomes – à la fois pour qu’ils sachent à quel moment ils sont susceptibles de devoir reprendre le contrôle et comment la machine va leur faire comprendre – est donc cruciale.
Se pose aussi la question pour la machine de savoir quand il est possible de « dire au conducteur qu’il peut relâcher son attention, prendre un livre et lire par exemple, parce que c’est assez sûr. Mais à quel niveau de sécurité cela correspond-t-il ? C’est la question cruciale », précise Chris Augeri le dirigeant et fondateur de la start-up Drivespotter.
Il faut aussi prendre en compte la capacité des humains à détourner la technologie, surtout lorsque cette dernière leur impose une contrainte, comme maintenir ses mains sur le volant quand la conduite assistée est activée, rappelle Nathaniel Beuse.
Une chance peut améliorer les machines
La cohabitation de véhicules partiellement autonomes est aussi une chance pour le futur des voitures autonomes, a expliqué Axel Nix, qui estime qu’on peut utiliser les systèmes semi-automatiques qui existent déjà pour perfectionner les systèmes destinés à être autonomes :
« Etonnamment, les humains sont de bons conducteurs, la plupart du temps. Sur la route, nous gérons des situations complexes que nous n’avons pas encore réussi à inculquer aux machines. La bonne solution, c’est de faire apprendre la machine de ce bon comportement et de réprimander le conducteur quand il fait quelque chose de stupide. »
Les participants à cette conférence étaient en tout cas unanime. Malgré les difficultés, la voiture semi-autonome (et, dans un second temps, complètement autonome) sera un formidable moyen de diminuer la mortalité routière. Selon Catherine McCullough, 94 % des accidents aux Etats-Unis sont causés par des erreurs humaines, et le nombre d’accident a diminué de 40 % depuis que les véhicules de marque Tesla comportent un système de conduite assistée.
Qu’est-ce que South by Southwest ?
South by Southwest, surnommé « SXSW », est l’un des plus importants festivals au monde consacré aux nouvelles technologies – mais aussi à la musique et au cinéma. Il se déroule à Austin, au Texas, du vendredi 10 au mardi 14 mars. Plus de 33 000 personnes sont attendues pour assister aux centaines de conférences qui y sont données. Après Barack Obama ou encore Mark Zuckerberg, le festival doit accueillir cette année des personnalités telles que l’astronaute Buzz Aldrin, le « futuriste » de Google Ray Kurzweil ou encore l’équipe de la série Game of Thrones. Pixels suit le festival au quotidien dans une rubrique dédiée, mais aussi sur Twitter et Instagram.