Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la justice, le 15 mars 2017. | STÉPHANE DE SAKUTIN / AFP

Les conditions sont réunies pour « une sortie de l’état d’urgence ». C’est ce qu’a déclaré, mercredi 15 mars, le garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas. Une affirmation qui n’annonce pas pour autant une prochaine sortie du régime d’exception, instauré en France au soir des attentats du 13 novembre 2015.

Le ministre de la justice a reçu mercredi à déjeuner à la chancellerie Jean-Marc Sauvé, le vice-président du Conseil d’Etat, et les présidents des juridictions administratives. Le discours prononcé à cette occasion lui a permis de réaffirmer sa conviction que, « parce qu’il déroge, par définition, au droit commun, l’état d’urgence doit demeurer temporaire ». M. Urvoas s’était déjà exprimé très librement sur le sujet en janvier 2016, alors qu’il était président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, quelques semaines avant d’entrer au gouvernement.

Il met en garde aujourd’hui : « L’accoutumance à cette situation hors norme serait pour notre démocratie un risque, celui de la banalisation de l’exception. » Avant d’en tirer une conclusion où chaque mot compte : « Le moment approche donc où nous aurons à apprécier si les conditions sont réunies pour qu’il y soit mis un terme. A mes yeux, nous avons créé les conditions qui rendent possible une sortie de l’état d’urgence, sans nous affaiblir ni demeurer impuissants face à la menace du terrorisme. »

Assumer politiquement la décision d’une sortie

Ces « conditions », qu’il énumère ensuite, sont les lois antiterroristes, dont certaines des mesures se sont inspirées de l’état d’urgence. Il nomme ainsi la loi renseignement du 24 juillet 2015, la loi du 3 juin 2016 – qui renforce la lutte contre le terrorisme et le crime organisé –, et la loi du 21 juillet, qui renforce la lutte antiterroriste quelques jours après de l’attentat de Nice.

Ces « conditions réunies » pour une « possible sortie » de l’état d’urgence – qui confère des pouvoirs extrajudiciaires au ministre de l’intérieur – sont donc des conditions juridiques, qui d’ailleurs existaient au moment où le gouvernement auquel participe M. Urvoas a proposé, en décembre, une cinquième prorogation de ce régime d’exception, jusqu’au 15 juillet 2017. La justification invoquée était alors de passer la période électorale de la présidentielle et des législatives.

Dans son discours de mercredi, le ministre de la justice a rappelé que c’est « la première fois que l’état d’urgence dure aussi longtemps, davantage que pendant la guerre d’Algérie ». En fait les responsables politiques de tous bords savent depuis un moment que l’état d’urgence ne sert plus à grand-chose. Il n’y a quasi plus de perquisition administrative et le nombre de personnes assignées à résidence est aujourd’hui d’environ 70. Mais, politiquement, personne ne semble disposé à assumer la décision d’une sortie.

M. Urvoas et le gouvernement de Bernard Cazeneuve laissent le soin à la prochaine majorité de se débrouiller avec cette équation impossible.