TV : « Congo : la guerre des minerais », le récit d’un désastre
TV : « Congo : la guerre des minerais », le récit d’un désastre
Par Pierre Lepidi
Notre choix du soir. Un documentaire percutant raconte comment les groupes armés ultraviolents tuent pour le contrôle des ressources minérales nécessaires à l’industrie de l’électronique (sur France Ô à 21 h 50).
INVESTIGATIONS - Congo : la guerre des minerais
Durée : 00:38
C’est un proverbe congolais qui résume en une phrase des siècles d’expérience. Il dit que « lorsque deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre ». La République démocratique du Congo (RDC) est le deuxième plus grand pays d’Afrique et, grâce à son sous-sol qui regorge de ressources minérales, l’ex-Zaïre devrait être l’un des plus riches du continent. Mais avec un budget public annuel qui tourne autour de 4,5 milliards d’euros pour seulement 70 millions d’habitants, il stagne depuis des décennies en queue de peloton du classement des Nations unies pour le développement humain. Congo : la guerre des minerais, de Mike Ramsdell revient sur les raisons qui ont conduit à ce désastre. Dans cet excellent reportage, diffusé sur France Ô mercredi 15 mars, un habitant du Kivu, la province la plus riche du pays, l’affirme : « Ma vie n’est faite que de souffrances… » En RDC, l’herbe sur laquelle les éléphants se battent, c’est le peuple.
Les violations des droits de l’homme dans le pays ont augmenté de près de 30 % entre 2015 et 2016, selon un rapport du bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) en RDC.
Depuis quelques mois, la province du Kasaï, au centre du pays, est en proie à de graves violences. Trois charniers ont notamment été découverts, et les forces de sécurité ont tué plus de 100 personnes en septembre et en décembre 2016. Qui sont les éléphants qui se battent ?
Jeux de pouvoir
Pour le savoir, le documentaire se penche sur l’histoire de l’ancienne colonie belge. Il s’appuie sur le récit de Joseph Conrad qui, dans Au Cœur des ténèbres (Gallimard, 1899), se disait déjà écœuré par la manière dont les Congolais étaient maintenus en esclavage pour alimenter en ivoire et en caoutchouc la Belgique du roi Léopold. Le film révèle comment, à l’indépendance, les Occidentaux ont refusé d’abandonner ce qu’ils considéraient comme « leurs » ressources ou, pire, de les laisser aux Soviétiques. « Ils ont mis au pouvoir Mobutu, qui a volé tout ce qu’il pouvait, tout ce qui pouvait lui rapporter des bénéfices sans jamais investir dans son pays », explique Michael Kavanagh, du bureau de l’agence Bloomberg. Le dictateur s’est construit un empire estimé à 3 milliards d’euros pendant que son peuple mourait de faim.
Le film donne la parole à des acteurs qui, dans les coulisses, ont participé à la sombre histoire. Bill Richardson était ambassadeur américain aux Nations unies à la fin des années 1990. L’ancien diplomate explique comment son pays a abandonné le régime kleptocrate de Mobutu afin de favoriser en sous-main l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFLD), emmenées par Laurent-Désiré Kabila.
Dans une mine de la RDC. | Jason/ Rosnay films/ Mc Ramsdell
En RDC, il suffit de creuser pour trouver de l’argent. La richesse du sous-sol du Katanga, au sud-est du pays, contient 80 % de la réserve mondiale de cobalt et l’une des plus grandes exploitations de cuivre. Si l’on y ajoute les composants (tungstène, cassitérite, tantale…) qui entrent dans la fabrication des téléphones portables et que l’on trouve au fond des mines du Kivu, à l’est, on trouve de quoi satisfaire tous les besoins des multinationales spécialisées dans l’électronique.
Gangrenée par une corruption endémique, la région est aujourd’hui sous la coupe réglée de groupes armés ultraviolents qui tuent et violent pour fournir les fabricants de téléphones. Le documentaire soutient une pétition (standwithcongo.org) pour réclamer davantage de transparence dans l’exploitation des mines congolaises. Depuis 1996, les conflits en RDC ont fait plus de 5 millions de victimes.
Congo : la guerre des minerais, de Mike Ramsdell (EU, 2015, 52 min).