Qui se cache derrière la Conspiration des cellules de feu ?
Qui se cache derrière la Conspiration des cellules de feu ?
Par Marina Rafenberg (Athènes, intérim)
Soupçonnée d’être à l’origine du colis piégé au FMI, l’organisation, qui a revendiqué l’envoi d’un colis piégé au ministère des finances allemand, est responsable de plus de 250 attaques.
Les membres de l’équipe scientifique de la police quittent les bureaux parisiens du Fonds monétaire international (FMI), le 16 mars, après l’explosion d’un colis qui a blessé une employée au visage et aux mains. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
La Conspiration des cellules de feu, groupe anarchiste qui a revendiqué, jeudi 16 mars, l’envoi d’un colis piégé, la veille, au ministère des finances allemand, serait, d’après les enquêteurs, aussi à l’origine de l’incident survenu à Paris au siège du FMI, jeudi 16 mars, au cours duquel une employée a été blessée au visage et aux mains. En effet, les mêmes méthodes ont été utilisées et rappellent les tactiques de la mouvance anarchique grecque.
En Allemagne, le paquet qui comportait un livre où était caché l’explosif avait été envoyé sous le nom d’un ancien ministre de la Nouvelle-Démocratie (ND, droite), Adonis Georgiadis, issu de l’extrême droite et honni de l’extrême gauche grecque. Le colis parisien avait, lui aussi, été expédié sous le nom d’un porte-parole du parti de droite, d’après Nikos Toskas, le ministre grec adjoint à la protection civile.
La Conspiration des cellules de feu est bien connue des autorités et de la police grecques. Elle est en effet responsable, depuis sa création, de plus de 250 attaques contre diverses institutions, magistrats. « C’est l’un des groupuscules anarchistes le plus dangereux qui opère actuellement en Grèce, même si, contrairement au groupe du 17 Novembre qui a tué vingt-trois personnes entre 1973 et 2002, elle n’a jamais fait de victimes graves », explique Vassilis Lambropoulos, journaliste à To Vima et spécialiste du terrorisme d’extrême gauche.
Cibles privilégiées des organisations anarchistes
« En Grèce, nous sommes habitués aux actions ponctuelles de groupuscules anarchistes qui d’ordinaire placent des explosifs ou envoient des colis piégés chez des députés ou des magistrats, dans des banques. Mais ils avertissent en général en amont la police pour ne pas faire de victimes, souligne Mary Bossi, professeure de sécurité internationale à l’université du Pirée et autrice de plusieurs ouvrages sur le terrorisme en Grèce. Cependant, la Conspiration a déjà dit dans plusieurs communiqués qu’elle pouvait s’en prendre à la population. Dans leur rhétorique, si les citoyens restent sur leur chaise et ne participent pas au combat, ils sont complices du pouvoir et peuvent donc être touchés par leurs actions. »
Les cibles de la Conspiration des cellules de feu sont assez classiques : banques, casernes militaires, députés, magistrats. Dans la revendication de l’attaque contre le ministère des finances allemand, publié sur le site alternatif Indymedia, le groupe soutient avoir agi dans le cadre d’un plan Nemesis (justice en grec).
« Nous continuons avec passion et conviction notre combat contre les institutions, les lieux et les visages du pouvoir », expliquent-ils dans leur communiqué. L’Allemagne et le FMI sont jugés responsables par une grande partie de la population grecque des mesures d’austérité qui s’abattent sur la Grèce depuis six ans et sont donc des cibles privilégiées pour les organisations anarchistes et anticapitalistes.
« La crise économique et sociale a renforcé le mouvement anarchique grec. La défiance envers les politiques et l’Etat grandit, les institutions internationales qui imposent au pays la rigueur sont de plus en plus mal vues par la population », note M. Lambropoulos. Une analyse que partage Mme Bossi : « La crise économique pousse de nombreux jeunes à rejeter le système démocratique actuel et ils peuvent se retrouver dans ces mouvements contre l’Etat, contre le capitalisme. » En visant le siège du FMI à Paris, « la Conspiration vise à se faire reconnaître internationalement et a suscité de nouvelles collaborations à l’étranger avec des organisations anarchistes. Elle a déjà des liens étroits avec les anarchistes italiens de la Fédération Anarchique Informelle », commente la chercheuse.
Une organisation née en 2008
Mais la création du groupuscule anarchiste remonte à avant le début de la crise, en janvier 2008, quelques semaines après l’assassinat par des policiers d’Alexis Grigoropoulos, un jeune adolescent. Le quartier d’Exarcheia, à Athènes, terreau de l’anarchisme grec, s’était alors embrasé pendant plusieurs semaines. A la suite de cette révolte urbaine, plusieurs organisations comme La Conspiration des cellules de feu avaient vu le jour.
En 2009, la Conspiration s’en était pris à la résidence d’un procureur, puis au tribunal de Thessalonique, au nord de la Grèce. L’organisation avait aussi perpétré une vague d’attentats en Grèce contre des banques et des concessionnaires de voitures de luxe. Le 3 novembre 2010, quatorze colis piégés – selon le même procédé que celui utilisé contre le ministre des finances allemand et le siège du FMI à Paris – avaient été envoyés à plusieurs ambassades en Grèce mais aussi à Angela Merkel, au président Nicolas Sarkozy, au premier ministre italien Silvio Berlusconi ou à José Manuel Barroso, l’ancien président de la Commission européenne. En 2011, une dizaine de membres du groupe ont été emprisonnés et ont été condamnés pour « participation à une organisation criminelle ».
Mais en 2014, la Conspiration fait son grand retour avec de nouvelles recrues. Le nombre de membres actifs de l’organisation s’élève à soixante, mais beaucoup sont en prison, selon Mary Bossi. En revanche, le nombre de sympathisants prêts à entrer en action pourrait atteindre les deux mille personnes. « Même si les membres de la Conspiration sont en prison, ils ont accès à Internet et ils communiquent sur plusieurs sites du réseau anarchiste et ainsi recrutent de nouveaux membres », précise la chercheuse.
Interrogé sur la chaîne de télévision Skai, le ministre adjoint de la protection civile grec, Nikos Toskas, a assuré que l’équipement de contrôle à l’aéroport d’Athènes était « le meilleur d’Europe ». Quant au risque de nouveaux envois de colis piégés, le ministre s’est voulu rassurant : « Il n’y a pas de signe d’un nouveau paquet piégé. » Mary Bossi remarque cependant que « les derniers gouvernements grecs ont toujours considéré les actions des organisations anarchistes comme des actes de faible intensité, comme s’il s’agissait d’amateurs. Mais il faudrait peut-être qu’ils se méfient car désormais ils se renforcent et tissent des liens importants à l’étranger ».
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