Toshiba : des puces japonaises à la dérive
Toshiba : des puces japonaises à la dérive
LE MONDE ECONOMIE
En grande difficulté, le groupe veut céder sa filiale composants électroniques. Et malgré les appels au patriotisme, aucun industriel nippon n’est candidat à la reprise.
Le siège de Toshiba, à Tokyo, le 16 février 2017. | KAZUHIRO NOGI / AFP
Supplice japonais. Emprisonné dans la galère de ses déboires nucléaires, Toshiba, l’un des plus grands groupes technologiques nippons, est contraint de larguer un à un ses bijoux les plus précieux pour maintenir à flot une embarcation qui prend eau de toutes parts. Le feuilleton tient en haleine le tout Tokyo.
Menacé d’un retrait pur et simple de la Bourse en raison de la trop mauvaise fiabilité de ses comptes, le groupe entend se débarrasser de sa filiale américaine Westinghouse, responsable d’une grande partie de ses difficultés, mais aussi de sa filiale de composants électroniques. Des mémoires flash, dont il est le deuxième producteur mondial derrière Samsung et qui équipent tous les ordinateurs et smartphones du monde. Une activité rentable, valorisée plus de 15 milliards d’euros, au milieu d’un océan de pertes et qui représente le quart de son chiffre d’affaires. Pas étonnant que les vautours de toutes plumes tournent autour de l’appétissante victime. La mise en vente officielle devrait démarrer le 1er avril.
Multiplication des restructurations
Seul petit soucis, sur les dix prétendants déclarés ou supposés, on serait bien en peine de trouver un japonais. Depuis dix ans, le secteur perd de l’altitude dans le pays et multiplie les restructurations. En 2003, les principaux producteurs du pays, NEC, Hitachi et Mitsubishi ont fusionné leurs composants électroniques. Progressivement, Taïwan, la Corée du Sud et maintenant la Chine montent en puissance, parfois avec l’aide de capitaux américains.
Le patronat japonais sonne donc le tocsin. « Il serait problématique que les technologies de mémoire de Toshiba ainsi que les compétences humaines tombent dans des mains étrangères », a lancé Sadayuki Sakakibara, le président de la fédération patronale, le Keidanren. D’où les rumeurs insistantes d’une intervention « à la japonaise », orchestrée par l’Etat et financée par les grands groupes.
Un dispositif d’une faible efficacité
Une telle perspective a fait bondir le cours de Bourse du groupe, en dépit des dénégations des pouvoirs publics. Tout le monde n’est évidemment pas d’accord avec cette solution, qui risque de pénaliser les investisseurs, et même Toshiba puisqu’elle réduirait singulièrement la compétition et donc la valeur du bien vendu.
Et puis industriels et pouvoirs publics sont bien placés pour apprécier la faible efficacité de ce genre de dispositif. Il y a moins d’un an, la même question s’était posée au sujet de Sharp, leader historique des écrans plats, un temps promis à un consortium proche de l’Etat, Innovation Network Corporation of Japan, qui avait déjà rassemblé les activités écrans de Sony, Toshiba et Hitachi.
Finalement, en dépit des appels au patriotisme, c’est le taïwanais Foxconn qui avait raflé la mise. Et c’est ce même industriel, fabricant des iPhone d’Apple et l’un des premiers employeurs de Chine continentale, qui a déclaré sa flamme envers les puces de Toshiba. L’électronique, qui a fait la fortune du Japon des années 1990, semble attirée irrémédiablement par l’immense soleil noir chinois.