L’usine made in France cherche son second souffle
L’usine made in France cherche son second souffle
LE MONDE ECONOMIE
Depuis 2009, notre pays a perdu 600 usines et la profitabilité de l’industrie manufacturière s’est effondrée. Mais le numérique pourrait lui permettre de rebondir.
Une banderole déployée par des manifestants, le 4 février, devant la mairie d’Amiens pour protester contre la fermeture de l’usine d’électroménager Whirlpool. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
La France, combien d’usines ? On serait tenté de reprendre la célèbre formule de Staline à propos du Vatican (« Le pape, combien de divisions ? ») pour jauger la puissance d’un pays. Et à cette aune, la France fait pâle figure. Depuis 2009, selon l’observatoire Trendeo, près de 600 usines ont disparu de notre paysage national. Et ce chiffre est un solde net entre ouvertures et fermetures. Une illustration bien concrète du million d’emplois perdus dans ce secteur depuis 2000 et du glissement apparent de l’industrie dans la richesse nationale : 12 % du PIB aujourd’hui contre un quart dans les années soixante. Pourtant, du fond du trou dans lequel s’est enfoncée l’industrie hexagonale, une petite lumière scintille à nouveau. En 2016, pour la première fois depuis longtemps, il s’est créé, toujours selon Trendeo, autant d’entreprises (136) qu’il s’en est fermé.
Les problèmes ne sont pourtant pas réglés. Dans son passionnant livre La Société hyper-industrielle (Seuil, 128 pages, 11,80 euros), Pierre Veltz relativise les chiffres. Si l’on tient compte de la très forte baisse des prix des biens industriels par rapport aux services et que l’on inclut des activités de services très proches de l’industrie, comme les transports, l’eau, les déchets, l’énergie ou les télécommunications, la part de cette industrie au sens large dans la valeur ajoutée française a relativement peu varié, autour de 30 % du PIB.
La profitabilité s’est effondrée
Il n’en reste pas moins que l’industrie manufacturière va mal. Sa profitabilité s’est effondrée de 70 % entre 2000 et 2014, entraînant fermeture d’usines, destruction d’emplois et chute de l’investissement. Un retard considérable que Max Blanchet, consultant chez Roland Berger, qualifie d’« obsolescence industrielle ». Le lobby industriel, qui, lui, n’a pas perdu de sa vigueur, tire à nouveau le signal d’alarme et réclame aux candidats à la présidentielle force baisses de charges et d’impôt pour redresser la situation.
« L’industrie est un levier incomparable de croissance et une arme anti-chômage », assure Philippe Varin, le président du Cercle de l’industrie, le lobby qui rassemble 38 grandes entreprises de France. Pour lui, le numérique est l’occasion rêvée pour la France de recoller au peloton de tête mondial. Cette révolution économique promet l’arrivée d’une nouvelle industrie dans les pays industrialisés, faite de petites unités très automatisées près des lieux de consommation, produisant à la demande des biens personnalisés.
Force est de constater que, pour l’instant, les entreprises n’ont pas démontré que ces allégements se traduisaient par un élan spectaculaire en matière de recherche et de montée en gamme de leurs produits, l’une des grandes raisons des difficultés françaises face à l’Allemagne. La solution proviendra autant d’un effort massif de l’Etat en matière d’éducation et de recherche que de mesures fiscales. Et surtout de l’obstination des industriels comme des pouvoirs publics à maintenir le cap sur le long chemin qui les attend.