Répondre au repli américain
Répondre au repli américain
Editorial. Au moment Donald Trump se désolidarise de l’ordre mondial d’après-guerre, il est nécessaire que l’Allemagne s’attaque à ses déséquilibres macroéconomiques.
Angela Merkel et Donald Trump à la Maison Blanche, à Washington, le 17 mars. | SAUL LOEB / AFP
Editorial du « Monde ». La question est posée timidement par Angela Merkel : « Voulez-vous une poignée de main ? » Donald Trump ne pipe mot, regarde devant lui, il n’y aura pas de poignée de main avec la chancelière allemande dans le bureau Ovale. La rencontre, vendredi 17 mars, entre la représentante de l’Europe et le président américain a été glaciale. Désaccord sur la relance des négociations commerciales transatlantiques, critique de l’accueil des réfugiés par l’Allemagne. Pis, à l’issue de la rencontre, Donald Trump a envoyé un message sur Twitter pour humilier davantage la chancelière, l’accusant de devoir d’« énormes sommes » à l’OTAN et aux Etats-Unis pour la protection militaire de l’Allemagne. Ce clash germano-américain était déjà explicite dans un entretien accordé par M. Trump à la BildZeitung en janvier.
Il est la quintessence du conflit qui oppose désormais l’Amérique au reste du monde. Cet affrontement a été officiellement confirmé le lendemain dans les conclusions du G20, qui rassemblait les ministres des finances des principales puissances de la planète, à Baden-Baden, en Allemagne. Le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin, a refusé que toute référence soit faite à la lutte contre le réchauffement climatique. Surtout, il s’est opposé à ce que soit mentionné, comme c’est systématiquement le cas depuis 2005, l’engagement solennel des pays du G20 à « lutter contre toutes les formes de protectionnisme ». Les ministres se sont simplement engagés à « travailler pour augmenter la contribution du commerce à nos économies ».
Rupture majeure
Certes, les Etats-Unis n’ont pas obtenu que soit fait mention du « commerce équitable », qui aurait ouvert la voie à toute mesure unilatérale. Il n’empêche, ce G20 représente une rupture majeure. Le commerce n’est plus un pilier de l’ordre mondial et de la prospérité, mais un simple outil d’aide aux économies intérieures, susceptible de satisfaire le slogan « America First ».
Comme annoncé dans sa campagne, M. Trump se désolidarise de l’ordre mondial de l’après-guerre. Depuis la crise financière de 2008, le G20 est parvenu à un succès peu visible mais majeur : éviter les cavaliers seuls qui aggraveraient la crise. A la différence de ce qui s’était passé dans la foulée du krach de 1929, les puissances de la planète ne se sont pas lancées dans une course au protectionnisme assortie d’une guerre des monnaies et de dévaluations compétitives. Cette discipline salutaire est aujourd’hui remise en cause.
Pour mieux contrer Trump, il convient de reconnaître un point : l’excédent extérieur allemand – mais aussi japonais et chinois – est excessif : 270 milliards d’euros, soit 8,5 % de son produit intérieur brut. Les Allemands sont sourds à ce reproche depuis des années. Leur surplus a été accentué par la politique de la Banque centrale européenne (BCE) qui, visant à relancer l’économie européenne, a fait baisser l’euro. Le soutien à la croissance demeure la priorité, y compris pour les Américains. La question reviendra à l’ordre du jour lors du G20 qui réunira les chefs d’Etat et de gouvernement, début juillet à Hambourg.
Les Allemands doivent s’attaquer avec sérieux à leurs déséquilibres macroéconomiques – en augmentant leurs salaires et réinvestissant leurs excédents chez leurs partenaires, ce qui est, reconnaissons-le, délicat à entreprendre. Mais c’est décisif pour contrer, avec les Européens, le tropisme isolationniste de l’Amérique et remettre à l’ordre du jour la défense du commerce mondial.