Cour suprême : le juge nommé par Trump jure qu’il sera indépendant
Cour suprême : le juge nommé par Trump jure qu’il sera indépendant
Le Monde.fr avec AFP
« Personne n’est au-dessus de la loi », a assuré Neil Gorsuch lors de son audition par le Sénat. Le magistrat conservateur s’est toutefois gardé de livrer ses opinions personnelles.
Le juge Neil Gorsuch, nommé par Donald Trump à la Cour suprême, devant les sénateurs, mardi 21 mars. | JOSHUA ROBERTS / REUTERS
Nommé par Donald Trump à la Cour suprême américaine, le juge conservateur Neil Gorsuch s’est employé mardi 21 mars à convaincre les sénateurs qu’il était libre de toute influence politique. Le tout sans livrer ses opinions personnelles – un exercice habituel, mais toujours délicat pour les magistrats nommés.
Au deuxième jour de son audition en vue de sa confirmation par le Sénat, le magistrat a même assuré qu’il n’aurait aucune réticence à juger, le cas échéant, le président Trump. « Personne n’est au-dessus de la loi », a dit M. Gorsuch. Nommé à vie à l’âge de 49 ans, il pourrait siéger à la Cour suprême durant des décennies.
Il a toutefois refusé de donner son opinion sur le très controversé décret anti-immigration du président républicain, actuellement suspendu par un juge fédéral. « Je ne peux être impliqué dans des sujets politiques », a-t-il martelé.
Interrogé sur de récentes attaques de M. Trump contre l’institution judiciaire, M. Gorsuch s’en est tenu à une déclaration générale, sans mentionner le président :
« Quand quiconque critique l’honnêteté, l’intégrité ou les motivations d’un juge fédéral, je trouve cela démotivant. Je trouve cela démoralisant. »
Sans se départir de sa politesse et sans hausser le ton, le magistrat a clairement affiché sa stratégie pour ce grand oral marathon : garder ses convictions secrètes, au nom de l’indépendance qu’il devra incarner au sein de la plus haute juridiction américaine. Quitte à frustrer son auditoire. « Si je commençais à livrer des indices sur comment je jugerais, ce serait le début de la fin », a déclaré le magistrat.
Recours à la torture
Il est ainsi resté évasif sur le mariage homosexuel ou la contraception. Partisan de la peine de mort, Neil Gorsuch défend beaucoup d’autres thèmes chers à l’Amérique conservatrice en matière de famille ou de religion.
M. Gorsuch a donc été en vain questionné par la sénatrice démocrate Dianne Feinstein sur « Roe v. Wade », l’arrêt emblématique de la Cour suprême qui a légalisé l’avortement dans tous les Etats-Unis en 1973.
« Considérez-vous [ce jugement] comme faisant solidement jurisprudence ?, a demandé l’élue de Californie.
– Il a été réaffirmé un certain nombre de fois », s’est borné à répondre le juge Gorsuch. Donald Trump s’était de son côté engagé à nommer à la Cour suprême un magistrat opposé à au droit à l’interruption volontaire de grossesse.
Mme Feinstein a également interrogé M. Gorsuch sur un email qu’il avait envoyé en décembre 2005, ainsi que des notes qu’il avait rédigées alors qu’il travaillait pour l’administration judiciaire de George W. Bush, dans lesquels il semblait défendre le recours à la torture. Il a répondu ne pas se souvenir du détail de ces écrits.
« Chauffeur routier gelé »
Sondé sur la détention des armes et l’élection présidentielle de 2000, où la Cour suprême avait tranché en faveur de George W. Bush au détriment d’Al Gore, M. Gorsuch a également botté en touche. Il a aussi refusé de s’exprimer sur les propos de l’un de ses anciens professeurs à Oxford, John Finnis, qui avait comparé l’homosexualité à la zoophilie.
Neil Gorsuch a au final semblé en difficulté en étant sommé à plusieurs reprises de s’expliquer sur une vieille affaire connue sous le nom du « chauffeur routier gelé ». Ce camionneur, Alphonse Maddin, s’était retrouvé en janvier 2009 immobilisé par des températures négatives au bord d’une route, les freins de sa remorque bloqués par le gel et le chauffage étant inopérant dans sa cabine.
Il avait appelé un dépanneur. Son employeur lui avait ordonné de soit rester sur place, soit repartir avec la remorque. Après plusieurs heures d’attente, ses membres engourdis par le froid et craignant pour sa vie, Maddin avait détaché la remorque et était parti au volant de son véhicule pour se mettre à l’abri. Il avait été renvoyé par son patron. Le chauffeur avait contesté ce licenciement en justice.
La cour d’appel de Denver, dans un jugement à la majorité de deux juges contre un, lui avait donné raison en estimant qu’il avait bien fait de donner la priorité à sa sécurité. Neil Gorsuch était le juge en désaccord, soutenant que Maddin avait violé la loi en refusant d’obéir à son employeur.
« Cela me fait remettre en cause votre capacité de jugement », a asséné mardi le sénateur démocrate Al Franken. Neil Gorsuch a répondu « compatir » avec le sort du camionneur bloqué dans le froid, mais a défendu sa lecture des textes juridiques.
Son audition fleuve doit se poursuivre mercredi. Les démocrates, minoritaires au Sénat, ont promis de livrer bataille pour entraver sa confirmation. Le vote se tiendra début avril.
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