Les entreprises, mal aimées des politiques
Les entreprises, mal aimées des politiques
LE MONDE ECONOMIE
Sans elles, pas de richesse ni emplois. Mais les Français, et la majorité des candidats à la présidence, s’en méfient. Un manque d’estime préjudiciable à notre pays.
François Fillon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Benoît Hamon, lors du débat sur TF1, le 20 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"
Le ministère de l’économie a mis les petits plats dans les grands à l’occasion de la « semaine de l’industrie » : 300 000 participants, 2 500 événements dans toute la France, afin de convaincre les jeunes d’aimer ce secteur. Les organisateurs pourraient peut-être commencer par aider les entreprises, et les plus grandes en particulier, à améliorer leur image auprès du personnel politique. Car, en dépit de leurs moyens financiers conséquents, elles n’y sont manifestement toujours pas parvenues.
Le grand débat télévisé lundi 20 mars sur TF1, en a apporté la démonstration éclatante. Les entreprises sont responsables de l’horreur mondialiste (Marine Le Pen), de la corruption généralisée (Benoît Hamon), voir de crimes de guerre (Jean-Luc Mélenchon). Les deux autres candidats, supposés plus favorables aux milieux d’affaires, ont préféré éluder le sujet. Les deux seuls noms de sociétés citées ont été le cimentier LafargeHolcim, accusé d’avoir participé au financement de l’Etat islamique, et le fabricant d’électroménager Whirlpool, coupable d’avoir délocalisé son usine d’Amiens vers la Pologne. Symbole du pouvoir destructeur de l’argent et des crimes commis au nom de la cupidité.
La méfiance des Français, et particulièrement de son personnel politique envers les entreprises, n’est pas nouvelle. Elle irrigue une bonne partie de l’imaginaire littéraire des deux derniers siècles et reste un bouc émissaire commode. Seules trouvent grâce à leurs yeux les PME, surtout si elles sont petites et qu’elles entendent le rester.
Une telle attitude relève du déni de réalité. Les entreprises représentent les trois quarts de l’emploi en France et l’essentiel de sa création de richesse. Dans ce lot, les grandes entreprises, de plus de 5 000 employés et 1,5 milliard de chiffre d’affaires, sont moins de 300 mais représentent à elles seules un tiers de la valeur ajoutée et des emplois du pays et presque la moitié de ses exportations.
Des mythes entretenus par des vendeurs de rêve
C’est là tout le paradoxe d’un tissu productif français particulièrement concentré autour de quelques entreprises qui soutiennent le train de vie du pays et sa présence internationale, et qui, pourtant, reste mal aimé. Paradoxe qui se retrouve au fil des sondages qui confirment régulièrement l’attachement des Français à leur propre entreprise et leur méfiance vis-à-vis des autres. Avec deux mythes soigneusement entretenus par les vendeurs de rêve, celui de la PME bienfaisante et celui de l’autosuffisance.
Ceux qui aspirent à gouverner notre pays pourraient peut-être un jour accepter le fait que ce sont les entreprises qui créent l’emploi, que les petites sociétés sont étroitement liées à la santé des grandes, et que la production d’un bien ou d’un service sophistiqué ne peut se concevoir sans ouverture au monde et sans échanges. Elles ne sont pas plus vertueuses que le personnel politique, mais leur succès et donc leur considération est indispensable à la réalisation de toutes les ambitions politiques, d’où qu’elles viennent.