O21. « Le développement durable n’est pas un métier en soi »
O21. « Le développement durable n’est pas un métier en soi »
Propos recueillis par Adrien de Tricornot
Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet de conseil en stratégie Utopies, prône le « corporate hacking » : profiter d’être apprécié dans son emploi pour y amener la préoccupation de l’environnement.
Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet Utopies. | Utopies
Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet de conseil en stratégie Utopies, orienté sur la responsabilité sociale et environnementale, est intervenue lors de l’événement du Monde O21 / s’orienter au 21e siècle, dimanche 5 mars à Paris, lors de la conférence « Certains métiers ont-ils plus de sens ? ». Elle conseille, dans un entretien, ceux qui voudraient exercer un emploi en lien avec le développement durable.
Si l’on est intéressé par le développement durable, faut-il faire une formation spécialisée selon vous ?
Le développement durable n’est pas un métier en soi. Je mets régulièrement en garde contre le risque de déception lorsqu’on fait une formation sur l’environnement. La plupart de ceux qui en suivent espèrent travailler sur la préservation des ressources naturelles, de la faune et de la flore… et, caricaturalement, ils se retrouvent à travailler dans une entreprise de déchets. Je pense qu’il faut avoir un projet professionnel – que ce soit de devenir ingénieur, journaliste ou de travailler dans le marketing – et ensuite d’amener la préoccupation du développement durable dans notre métier.
Vous avez quitté la publicité pour créer votre cabinet de conseil spécialisé dans le développement durable. Recommandez-vous ce type de rupture ?
Pas souvent. C’est le hasard qui a fait que je n’ai pas développé mon activité à l’intérieur de ma précédente entreprise. Et je ne pense pas qu’il faille forcément changer. Tout le monde croit que l’herbe est plus verte ailleurs. Mais le job dont on rêve n’existe pas forcément… Il est peut-être à créer là où vous êtes. Pour moi, la bonne question à se poser est : « Comment transforme-t-on ce que l’on a aujourd’hui ? » Cela vaut pour chaque personne comme pour la société. Je prône donc le corporate hacking [« piratage d’entreprise »] : si l’on est apprécié dans son emploi, je conseille d’utiliser cette position pour hacker son job et sa structure, pour les faire évoluer à la mesure de ses moyens. Il faut au moins essayer. La seule limite à mettre, c’est celle de votre bonheur ou de votre équilibre. Si la situation est toxique, cela ne sert à rien de se mettre en danger. Mieux vaut alors partir pour envisager un autre parcours.
Votre cabinet réalise des études d’impact. Que disent-elles des effets économiques de l’investissement dans l’enseignement supérieur ?
Nous avons audité deux territoires – Cergy et le Massif central –, qui ont en commun de démontrer l’impact immédiat des dépenses d’enseignement supérieur : investir dans ce domaine, ce n’est pas attendre des retombées économiques dans vingt-cinq ans, car elles sont immédiates. En extrapolant nos résultats au niveau national, nous montrons que chaque emploi créé dans l’enseignement supérieur génère 1,1 emploi supplémentaire en France. Et que chaque euro dépensé dans l’enseignement supérieur conduit à 2,90 euros de dépenses en France. Il existe donc un très bon effet multiplicateur, qui bénéficie d’abord à l’environnement régional, mais aussi bien au-delà sur le territoire. Et qui irrigue des secteurs, tels que la communication, les services aux entreprises, ou l’hébergement-restauration. L’investissement dans le supérieur a donc un impact économique très positif… et pas uniquement sur les générations futures !