« Entendrez-vous les voix de tous ceux qui se retrouvent seuls, sans ressource »
« Entendrez-vous les voix de tous ceux qui se retrouvent seuls, sans ressource »
Par Collectif
Dans une tribune au « Monde », un collectif d’associations parmi lesquelles Amnesty International France et ATD-Quart Monde, interpellent les candidats à l’élection présidentielle : « Quelle place ferez-vous aux personnes en situation de précarité ? »
« Vous voulez que les pauvres soient des citoyens responsables ? Alors, permettez-leur d’être acteurs de leur avenir ! » (Photo: un passant donne une pièce de monnaie à un SDF qui se protège du froid avec une couverture, en décembre 2009 dans une rue du centre ville de Lyon). | JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
Par Sylvie Brigot-Vilain, directrice générale d’Amnesty International France, Claire Hédon, présidente d’ATD-Quart Monde, Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, Véronique Fayet, présidente du Secours catholique – Caritas France, Rachid Lahlou, président du Secours islamique France
TRIBUNE. Vous espérez nos voix ! Mais vous qui êtes candidats à l’élection présidentielle, entendrez-vous celles de tous ceux qui se retrouvent seuls, sans ressource, après un exil, un licenciement, un accident de la vie, de ceux qui vivent la pauvreté depuis des générations ? Les uns et les autres survivent parce qu’ils ont l’espoir chevillé au corps ; parce qu’ils trouvent sur leur chemin celles et ceux qui mettent en pratique le mot « fraternité ».
Chaque voix compte, dites-vous, pour mobiliser les électeurs qui feront la décision. La voix de ceux qui souffrent comptera-t-elle aussi dans vos projets ? Vous nous proposez des solutions pour les sortir de la crise qu’ils traversent. Mais savez-vous qu’ils font chaque jour preuve d’ingéniosité pour trouver les moyens de surmonter la misère, pour conserver leur dignité de femmes et d’hommes ? Savez-vous que plusieurs piliers de notre protection sociale (le RMI, la CMU, etc.) ont été pensés avec eux ? Les entendre, tenir compte de leur expérience de la vie, nous paraît indispensable pour redéfinir en profondeur la solidarité dans notre pays.
Les « anges » maraudent pour les SDF
Durée : 03:16
Chaque personne et les organisations de la société civile ont de l’intelligence collective à partager. Le bien commun ne se dessinera pas sans leur contribution, particulièrement celle des personnes en situation de précarité. Alors, saurez-vous leur faire confiance en leur permettant de contribuer avec les autres au renforcement de notre cohésion sociale ? C’est ce que nous vous proposons avec la création d’un « Fonds pour la démocratie d’initiative citoyenne » porté notamment par le collectif Pas sans nous et soutenu par de nombreuses associations.
Une relégation
Ce Fonds aurait pour objectif de développer la participation des personnes en situation de précarité au niveau des communes, des départements et au sein de l’ensemble des instances concernées par la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, de les associer aux grands chantiers tels que la réforme de la protection sociale. Leur permettre de participer directement aux débats publics qui les concernent nécessite des moyens.
Vous voulez que les politiques publiques soient plus efficaces ? Vous voulez sortir d’une logique d’assistance dont nous connaissons les limites ? Vous voulez que les pauvres soient des citoyens responsables ? Alors, permettez-leur d’être acteurs de leur avenir ! Ce « Fonds pour la démocratie d’initiative citoyenne » est un moyen de faire entendre la voix de ces « sans voix ».
Ils n’ont pas d’hébergement ou de logement sain. Nous chassons de nos villes tentes et abris d’infortune parce qu’ils nous dérangent… Les effacer ainsi de notre vue n’est pas une solution, c’est une relégation ailleurs, une illusion de résolution !
Il est maintenant plus que temps d’accueillir et de mettre à l’abri, dans des conditions dignes, les personnes en situation de précarité, quelle que soit leur situation familiale et administrative. Pour cela, il faut prévoir des lieux d’hébergement et d’accompagnement social en nombre suffisant.
La construction de logements sociaux
Il faut aussi garantir les principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil, ainsi que l’assurance de la non remise à la rue, qui sont définis dans le Code de l’action sociale et des familles. Résorber les bidonvilles est une exigence de dignité. Encore faut-il des solutions de relogement adaptées. La construction de logements sociaux est une réponse impérative à l’urgence de la situation existante.
Loin des coups de menton et de la démagogie ciblée en réponse, c’est à une revivification de notre démocratie que nous vous appelons. Nous sommes témoins de l’intelligence, de la créativité, de la solidarité de concitoyens, d’élus, de personnes en précarité, de bénévoles de tous milieux, de tous statuts. Nous croyons que peuvent être relevés les défis posés par le poids des inégalités, les effets des discriminations à l’emploi, à l’école, au logement, l’abandon de territoires… Le vrai sens du mot politique ne relève-t-il pas de l’organisation du « vivre ensemble » ?
Dans l’avenir que vous proposez pour notre pays, quelle place ferez-vous aux personnes en situation de précarité ? Quelles réponses apporterez-vous à leurs attentes, à leurs espoirs ? Saurez-vous entendre la parole des sans voix ?
Les signataires : Sylvie Brigot-Vilain, directrice générale d’Amnesty International France, Claire Hédon, présidente d’ATD-Quart Monde, Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, Véronique Fayet, présidente du Secours catholique – Caritas France, Rachid Lahlou, président du Secours islamique France.