Le #healthybreakfast jusqu’à la nausée
Le #healthybreakfast jusqu’à la nausée
M le magazine du Monde
Les accros des réseaux sociaux ne cessent de mettre en scène leur vie à coups de hashtags et de selfies, lançant la tendance (ou pas). Cette semaine, le « petit déjeuner sain » vu par Carine Bizet.
Aline Zalko
Les réseaux sociaux sont censés déjouer les tics saisonniers de la presse traditionnelle. Mais ils reproduisent les mêmes cycles pavloviens : à l’approche des beaux jours et de l’épreuve dite « du maillot », voici venus les posts diététiques qui multiplient le hashtag #healthybreakfast. Les obsédés de la santé sont alors rejoints par des hordes printanières en quête de minceur.
Premier constat : une règle tacite donne un air prémâché à tout petit déjeuner healthy. Bol de bouillie à graines et purée de fruits (amandes, pommes) ou tartine d’avocat écrasé évoquent le contenu de l’assiette du chat, avant ingestion comme après régurgitation intempestive sur le tapis du salon. Mais, contrairement au repas du matou, il ne suffit pas d’ouvrir un sachet pour obtenir un #healthybreakfast. Transformer en bouillie des gruaux divers, écraser des fruits, égrainer des machins exotiques, mettre le tout sur une tartine et/ou dans une assiette, décorer avec des feuilles (non, pas le yucca) et prendre la photo à la lumière du jour qui se lève dans la cuisine (ou dans la salle de bains, qui est mieux exposée, dans ce cas on posera une nappe sur les toilettes)… Tout cela prend du temps.
Une bouillie qui donne faim
Certes, la leçon donnée aux amis du Web est sans équivoque : ces inconnus qui finissent tranquillement leur café-croissant en surfant distraitement sur Instagram se sentent soudain tout bouffis et très fainéants devant tant d’efforts. Ou pas. Car le croissant met de bonne humeur, c’est une règle fondamentale du petit déjeuner.
Le club du #healthybreakfast, lui, a intérêt à avaler vite fait son œuvre pour ne pas arriver en retard au bureau – un impératif temps qui explique peut-être l’effet pré-mâché. La cuisine saccagée ? On verra ce soir et, de toute façon, elle va se resalir quand il faudra préparer la salade aux trois pommes de terre. La réalité frappe vers 11 h 20 : le prémâché ayant un côté prédigéré, l’estomac grogne comme un chat en manque de friandises. L’adepte de la bouillie diététique commence alors à faire des cercles autour du distributeur, jusqu’au moment où, n’y tenant plus, il/elle y glisse de l’argent et repart avec un Twix et un Kinder Bueno. C’est aussi mou que la bouillie, c’est moins joli sur Instagram, mais c’est booooon. #sugarislife ?