Le  A400M d’Airbus lors du Salon aéronautique de Farnborough (Grande-Bretagne), le 12 juillet 2016. | ADRIAN DENNIS / AFP

La réponse est non. Réunis à Madrid, jeudi 30 mars, les pays européens acheteurs de l’avion de transport militaire A400M ont décidé de maintenir les pénalités infligées à Airbus pour ses retards de production. Ils pourraient éventuellement se montrer plus souples pour certaines sanctions, a toutefois indiqué l’un des négociateurs à l’agence Reuters. Mais pas question de revoir le contrat, comme le demandait le PDG de l’avionneur, Tom Enders.

Une nouvelle réunion est prévue en juin, pour ce programme, le plus important jamais lancé par l’Europe dans le domaine militaire et qui accumule les déboires depuis quatorze ans. Les retards de toutes sortes entraînent un dérapage des coûts : 28 milliards d’euros aujourd’hui contre 20 milliards prévus pour 174 avions répartis entre l’Allemagne, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Turquie, la Belgique et le Luxembourg.

En février, le patron d’Airbus tirait la sonnette d’alarme en annonçant une provision de 2,2 milliards d’euros consécutive aux difficultés de l’A400M. Il demandait alors aux clients de participer à l’effort pour stopper l’hémorragie financière. « Surpris » par ces déclarations, le secrétaire d’Etat à la défense espagnol, Agustin Conde, invitait le PDG à venir s’expliquer le 30 mars. De son côté, Tom Enders adressait une lettre aux différents ministres leur demandant de rouvrir la discussion autour du contrat, sur le thème « j’ai tenu mes obligations, mais le groupe est fragilisé ».

Faire baisser la tension

Déroutés tant par la forme du courrier, un peu sèche, que par la dramatisation, les ministres ont souhaité avant tout faire baisser la tension en dépolitisant la discussion et en la remettant au niveau commercial et technique : Airbus a un contrat, il doit le respecter et livrer ses avions. Les participants au rendez-vous de jeudi étaient surtout les responsables des programmes dans chaque pays venus écouter le patron de la branche militaire, Dirk Hoke. La réponse des Etats « pourrait prendre un certain temps, comme c’est le cas pour le refroidissement du fût du canon », prévenait d’emblée, début mars, Laurent Collet-Billon, le délégué général pour l’armement français.

Les deux principaux acheteurs, la France et l’Allemagne, avec chacun une cinquantaine d’appareils commandés, sont les plus offensifs. A Paris, le ton est monté d’un cran durant l’année 2016 depuis le fameux « j’entretiens avec l’industriel des relations quelque peu toniques » de Jean-Yves Le Drian, à l’automne 2015.

A l’époque, un seul A400M, sur les huit reçus, pouvait voler, les autres étant cloués au sol en raison de l’usure de la Propeller Gear Box, sorte de boîte de vitesses située entre la turbine et l’hélice permettant de démultiplier la puissance du moteur. Impossible donc de voler plus de vingt heures et donc par exemple de faire un aller-retour au Mali. Le ministre avait rappelé sèchement que la France faisait la guerre tous les jours et qu’il était inadmissible que les A400M n’aient pas les spécifications prévues dans le cahier des charges comme le largage des parachutistes par une porte latérale ou des systèmes d’autoprotection contre les missiles à courte portée.

Vigilant pour la suite

Les efforts de l’avionneur ont abouti. Désormais un appareil peut voler six cent cinquante heures avant son premier contrôle contre cent auparavant, et être révisé ensuite toutes les cent cinquante heures et non plus toutes les vingt heures. Les appareils ont progressivement les spécifications demandées. Paris en a reçu onze et quatre autres devraient être livrés d’ici fin 2018, portant à quinze le nombre d’A400M, comme le prévoit la loi de programmation militaire 2014-2019. « Je suis satisfait et exigeant », a estimé Jean-Yves Le Drian début mars, voyant qu’Airbus respecte ses engagements. Il reste vigilant pour la suite.

En revanche, les relations sont beaucoup plus tendues avec l’Allemagne. Selon l’armée de l’air, un seul de ses huit avions de transport militaire pouvait voler au début de l’année. Pour arranger le tout, en février, l’A400M n’a pas pu ramener la ministre de la défense allemande, Ursula von der Leyen, de sa visite en Lituanie en raison d’une panne de moteurs… Toutefois, un petit espoir est venu d’Indonésie, l’archipel s’étant déclaré intéressé par quelques avions. Sans dire combien, ni quand.