TV : « La Bête curieuse », Laura Smet sort de l’ombre
TV : « La Bête curieuse », Laura Smet sort de l’ombre
Par Véronique Cauhapé
Notre choix du soir. Une femme en liberté conditionnelle tente de retrouver sa place dans la société (sur Arte à 20 h 55).
La bête curieuse - ARTE
Durée : 01:30:15
Coïncidence de calendrier. Après Imposture diffusé vendredi 3 mars sur France 2, thriller de Julien Despaux dans lequel elle incarnait une jeune femme devant prouver son identité face à une usurpatrice, Laura Smet revient sur Arte dans La Bête curieuse, un téléfilm de Laurent Perreau. Son rôle, cette fois : celui de Céline qui, après plusieurs années de prison, doit purger la fin de sa peine en liberté conditionnelle, un bracelet électronique vissé à la cheville.
Installée en région parisienne chez sa mère et son beau-père, engagée à l’essai à la réception d’un grand hôtel de la porte de Clichy, Céline se fait appeler Héloïse, s’invente un mari et un passé à l’étranger. Histoire d’éloigner les soupçons mais aussi d’asseoir, pour elle et pour les autres, une réalité – et peut-être une vie – nouvelle.
La Bête curieuse est d’abord un film poursuite. Poursuite contre la montre, le passé et ses fantômes. Devoir judiciaire d’exemplarité oblige, Héloïse court pour arriver à l’heure à son travail, court pour être rentrée chez elle à 19 h 30 (tout retard lui vaudrait un retrait de sa liberté conditionnelle), court enfin pour que le temps s’écoule et l’éloigne de la prison.
Car il ne suffit pas d’être sortie pour se sentir libre, tel que nous le signifient durant une majeure partie du film, l’étroitesse des pièces de l’appartement maternel, les portes, les couloirs, les ascenseurs et les escaliers de l’hôtel, l’habitacle de la voiture dans laquelle Héloïse effectue chaque matin son trajet.
Codes du documentaire
Autant d’espaces cloisonnés qui matérialisent l’enfermement mental d’une héroïne aux aguets, hypersensible aux bruits et aux lumières trop vives.
Laurent Perreau glisse dans sa mise en scène certains codes issus du documentaire, comme les premiers plans qui, caméra à l’épaule, suivent les pieds d’Héloïse en train de parcourir l’appartement afin de vérifier la fiabilité de son bracelet. Comme aussi certains champs-contrechamps sur des visages pris en plans rapprochés.
Mais, si ses emprunts assurent une touche de réalisme au récit, à aucun moment ils ne prennent le pas sur le parti pris fictionnel.
Ce dernier étant de suivre la trajectoire d’une femme qui progressivement va passer de l’ombre à la lumière, de la crainte du monde à la confiance d’un homme, Idir (interprété par un délicat et délicieux Samir Guesmi).
Laura Smet dans « La Bête curieuse ». | © ALEXANDRE GUIRKINGER
Avec Laurent Perreau, Laura Smet a soutenu ce projet durant cinq ans. Le temps qu’une chaîne l’accepte. Cinq ans durant lesquels l’actrice a porté son rôle sans le jouer, l’a nourri à travers divers rencontres. Notamment celles de femmes incarcérées sur le visage desquelles elle a constaté la dégradation – en vitesse accélérée – qu’opéraient les années privées de liberté. Mais aussi le calme et la joie de vivre dont elles pouvaient faire preuve.
De cela, elle a tiré une matière qui figure dans la douceur dont elle a fait don à son personnage, mettant ainsi le profil d’Héloïse à l’abri de tout caractère inquiétant. En accord avec le scénario dont l’orientation n’est ni de créer du mystère ni de semer le trouble à l’encontre de l’héroïne dont on apprend très vite ce pour quoi elle a été condamnée.
Récompensé, en février, du Pyrénées d’Or de la meilleure fiction unitaire et prix de la critique au Festival des créations télévisuelles de Luchon 2017, La Bête curieuse est un téléfilm qui ne cherche pas l’effet. « Il est entier, sincère et élégant », dit Laura Smet de Laurent Perreau. Son film en témoigne.
La Bête Curieuse, de Laurent Perreau. Avec Laura Smet, Samir Guesmi, Marie Bunel, Naidra Ayadi (Fr., 2016, 90 min).