Le jour où Barack Obama avait effacé sa « ligne rouge » sur la Syrie
Le jour où Barack Obama avait effacé sa « ligne rouge » sur la Syrie
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Le 30 août 2013, le président démocrate choisit de ne pas ordonner les frappes préparées contre le régime syrien suite à des attaques à l’arme chimique dans la banlieue de Damas.
Vendredi 30 août 2013, le président Obama prenait l’une des décisions les plus importantes de son second mandat : choisir de ne pas ordonner les frappes contre le régime syrien. | PABLO MARTINEZ MONSIVAIS / AP
L’une des décisions les plus importantes du second mandat de Barack Obama a été prise le vendredi 30 août 2013, en fin d’après-midi. Ce jour-là, le président démocrate choisit de ne pas ordonner les frappes préparées contre le régime syrien à la suite d’attaques à l’arme chimique dans la banlieue de Damas, qui ont fait des centaines de morts parmi les rebelles, quelques jours plus tôt. M. Obama préfère demander l’avis du Congrès, au risque d’être réduit à l’impuissance. Deux jours plus tôt, le premier ministre britannique, David Cameron, avait été bloqué par son Parlement, hostile à une intervention.
Le secrétaire d’Etat John Kerry, sur un ton churchillien, a plaidé pour une riposte, mettant en garde contre « la tentation de détourner le regard » lorsque sont commis « des crimes indescriptibles ». Traditionnellement réticent aux solutions militaires, M. Obama a pesé le pour et le contre d’une intervention – promise un an plus tôt si le régime de Bachar Al-Assad utilisait des armes non conventionnelles contre la rébellion –, pour finalement conclure qu’une telle entreprise ne réglerait rien. La « ligne rouge » tracée en 2012 est effacée.
M. Trump avait sur Twitter dissuadé M. Obama d’intervenir
Jeffrey Goldberg, du magazine The Atlantic, était longuement revenu, en 2016, sur le déroulé des événements en rencontrant les principaux protagonistes, dont M. Obama. Les tergiversations du président américain avaient donné l’occasion à la Russie, lors du sommet du G20, le 6 septembre, de proposer une sortie de crise fondée sur l’abandon officiel par le régime de ses armes chimiques, dont on a pu voir par la suite qu’il n’avait pas été conduit jusqu’à son terme, en dépit des assurances de Damas.
Pendant cette semaine d’incertitudes, Donald Trump avait multiplié les messages sur son compte Twitter pour dissuader Barack Obama d’intervenir :
M. Obama, qui n’a jamais regretté publiquement sa décision, avait évoqué dans ses conversations avec le journaliste de The Atlantic le « manuel », en vigueur selon lui à Washington et que tous les présidents seraient tenus de suivre. Il « prescrit des réponses à différents événements, et ces réponses ont tendance à être des réponses militarisées. Là où l’Amérique est directement menacée, le manuel fonctionne. Mais [il] peut également être un piège qui peut conduire à de mauvaises décisions », explique M. Obama.
« Nous avions estimé que si nous pouvions infliger des dommages à Assad, nous ne pourrions pas, par des tirs de missiles, éliminer les armes chimiques elles-mêmes, avait indiqué le président à Jeffrey Goldberg. Je devais faire face à la perspective d’Assad ayant survécu aux attaques et prétendant avoir défié avec succès les Etats-Unis, qui auraient agi illégalement en l’absence d’un mandat de l’ONU. Cela l’aurait potentiellement renforcé plutôt qu’affaibli. » Ce sont ces mêmes risques auxquels Donald Trump fait face aujourd’hui.