Saint-Nazaire : l’Etat sauve ses paquebots
Saint-Nazaire : l’Etat sauve ses paquebots
LE MONDE ECONOMIE
Avec la solution Fincantieri, la puissance publique assure l’avenir, l’emploi et le savoir-faire des chantiers navals STX, même en étant minoritaire au capital.
La construction du paquebot géant « Oasis IV », à Saint-Nazaire. L’italien Fincantieri détiendra désormais 48 % du capital des chantiers navals STX. | LOIC VENANCE / AFP
Saint-Nazaire respire. Contrairement à ce que chantait Michel Sardou en 1975, la France n’a pas laissé tomber le constructeur du paquebot France. Le maire de Saint-Nazaire pousse un ouf de soulagement. Le plus grand chantier naval d’Europe et plus grande usine de France, une ruche de 6 000 personnes qui s’étend sur 150 hectares dans l’estuaire de la Loire, ouvre un nouveau chapitre de son histoire mouvementée.
Après le français Alstom (ex-Alsthom) puis le norvégien Aker Yards, et enfin le coréen STX, les chantiers de l’Atlantique accueillent cette fois l’italien de Trieste Fincantieri. Soixante ans d’une histoire tumultueuse, ballottée au gré des cycles du transport maritime, aussi riche par la majesté de ses navires que par les polémiques déclenchées par chacun de ses changements de propriétaire.
Cette fois, le gouvernement français a joué finement. Profitant de ses 33 % du capital, acquis au moment du rachat de la maison mère norvégienne par le coréen, il a obtenu ce qu’il voulait. Fincantieri s’octroie 48 % du chantier alors qu’il espérait détenir 66 % de STX, l’Etat français ajoute à ses parts celle du groupe public de construction navale militaire DCNS pour monter à 45 %.
De multiples clauses de garantie
En dépit de cette minorité, le camp français fera jeu égal au conseil d’administration. Le rachat est assorti de multiples clauses garantissant le maintien des emplois, du bureau d’études, des sous-traitants, sur plus de dix ans, le tout assorti d’un droit de veto.
Les pouvoirs publics souhaitaient une solution européenne, ils l’ont eue. On ne peut pas plaider pour une Europe de l’industrie, de l’économie ou de la défense et la rejeter d’un revers de main quand elle se présente. Quand Vincent Bolloré tente de prendre le contrôle de Telecom Italia ou qu’Essilor acquiert le premier fabricant de lunettes de la Péninsule, l’alliance des deux grands constructeurs de bateaux d’Europe n’est pas une incongruité. Ce qui l’est davantage a été le concours de promesses électorales entre les candidats à la présidentielle sur le thème de la nationalisation des chantiers de Saint-Nazaire.
Autant l’Etat est légitime à s’assurer de l’avenir d’un bassin d’emploi et de compétences, crucial pour la région et le pays, autant il n’a pas de légitimité à vouloir gérer toutes les entreprises de France dès lors qu’elles sont à vendre. Fallait-il nationaliser Alcatel, Alstom, Lafarge, Arcelor, Pechiney, et tous les fleurons de l’industrie française tombés dans des mains étrangères ?
La puissance publique, déjà passablement endettée et qui peine à financer ses ambitions dans l’éducation, la justice ou la défense, n’en a tout simplement pas les moyens. Sauf quand des circonstances exceptionnelles l’exigent, comme ce fut le cas, en 2014, avec PSA, étranglé par la crise financière. Pas de dogme dans ce domaine mais un principe qui est toujours le même : dans une économie ouverte, seule la compétitivité assure la pérennité d’une activité sur le long terme. Et l’Etat n’est pas le mieux placé pour la garantir.