Centrales chinoises, uranium namibien
Centrales chinoises, uranium namibien
Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Pékin)
Avec l’ouverture, fin 2016, de la mine géante de Husab, en Namibie, la Chine est parvenue à sécuriser ses approvisionnements. Désormais, elle lorgne le Niger.
Areva en rêvait, les Chinois l’ont fait. Le géant public du nucléaire, China General Nuclear Power Corporation (CGNPC), a ouvert, le 30 décembre 2016, sa mine géante de Husab, en Namibie, pour un investissement de 2 milliards de dollars (environ 1,9 milliard d’euros). L’ancien président chinois Hu Jintao était venu en personne négocier avec le gouvernement la signature du contrat qui, en 2012, a accordé 90 % des parts au groupe chinois et 10 % à l’Etat namibien.
La mine de Husab est l’un des plus importants investissements chinois en Afrique. Après quatre années de travaux, la Chine espère extraire cette année 7 000 tonnes d’uranium U308, pour arriver à terme à 15 000 tonnes par an. Actuellement troisième plus grande mine d’uranium du monde, Husab passerait alors en deuxième position. Quant à la Namibie, qui répondait en 2009 à « seulement » 10 % de la demande mondiale, elle s’apprête à passer de la sixième à la deuxième place dans le classement des pays producteurs d’uranium.
Une économie fragile
La mise en service de la mine de Husab doit permettre à la Namibie de soutenir son économie fragile. « Nous nous attendons à ce que l’uranium devienne un moteur clé des exportations namibiennes au cours des prochaines années. Nous prévoyons une croissance réelle des exportations de 7 % en 2017, contre 2,1 % en 2016 », explique le cabinet d’analyse BMI.
L’uranium est un élément chimique indispensable pour faire fonctionner les centrales nucléaires, de plus en plus nombreuses en Asie. Côté offre, environ 18 % de l’uranium mondial vient de trois pays d’Afrique : le Niger, la Namibie et l’Afrique du Sud. Côté demande, quelque 35 % de l’uranium mondial est vendu à la Chine, un pays qui compte 21 réacteurs nucléaires opérationnels, répartis sur sept sites de production, et qui en construit actuellement 28 de plus, ce qui le place au sixième rang mondial en termes de capacité de production.
Depuis 2006, la stratégie chinoise en Afrique est guidée par l’appétit du pays pour les ressources naturelles. Le plan « Deux ressources, deux marchés » exposé il y a dix ans par Pékin a élevé l’Afrique au rang de marché prioritaire pour ses entreprises. Si bien que les miniers chinois, qui étaient encore absents du continent en 2006, sont aujourd’hui à la tête de plus 120 gisements en Afrique, dont une poignée de mines d’uranium.
Chasse gardée d’Areva
Outre la Namibie, la Chine est également très intéressée par les mines d’uranium du Niger, chasse gardée d’Areva depuis cinquante ans. Or l’annonce d’un nouveau retard de l’ouverture de la mine géante d’Imouraren par le groupe français pourrait pousser Niamey dans les bras des Chinois – plusieurs entreprises du pays ont fait part de leur intérêt. Et puisque l’Etat français a refusé, en janvier, les exigences de la Chine pour entrer au capital d’Areva, plus rien ne s’oppose désormais à ce que Pékin fasse cavalier seul au Niger.
Le Niger est actuellement le plus important producteur d’uranium d’Afrique, devant la Namibie. Sur les quatre principales mines d’uranium que compte ce pays, trois sont exploitées par Areva et une par China National Nuclear Corporation (CNNC). Mais cette dernière n’est plus active depuis 2015 et la Chine, après avoir brisé le monopole d’Areva, s’est retrouvée incapable de financer le développement de la Société des mines d’Azelik (Somina). Pour Pékin, il était donc primordial de sécuriser ses approvisionnements en Namibie. C’est chose faite.
Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.