Les joueurs du Borussia Dortmund escortés par la police, mardi 11 avril. | ODD ANDERSEN / AFP

L’Union des associations européennes de football (UEFA) se trouve face à une situation inédite. Mardi 11 avril, à 20 h 30, la Confédération a décidé de décaler au lendemain (à 18 h 45) le quart de finale aller de Ligue des champions, programmé au BVB Stadion, entre le Borussia Dortmund et l’AS Monaco. Ce report, décidé en concertation avec les autorités allemandes et les représentants des deux clubs, fait suite aux trois explosions qui ont visé le bus de l’équipe allemande, plus tôt dans la soirée, alors que le véhicule prenait la route menant au stade.

Les joueurs du club de la Ruhr venaient de sortir de leur hôtel, situé à 10 kilomètres de l’enceinte. « Nous nous sommes tous baissés dans le car, ceux qui le pouvaient se sont couchés par terre », a rapporté au journal suisse Blick Roman Bürki, le gardien du Borussia. Assis à ses côtés dans le bus, le défenseur espagnol Marc Bartra a été blessé au bras lors de l’explosion de plusieurs vitres blindées. L’ex-arrière du FC Barcelone a été transféré à l’hôpital pour y subir une opération pour une fracture du radius, et sera donc forfait pour la rencontre.

« Situation très difficile »

Alors que la police de Dortmund a annoncé lors d’une conférence de presse que le club était la cible de cette attaque, dans quel état psychologique les joueurs du Borussia se trouvent-ils, restés pendus au téléphone pour rassurer leurs proches en cette soirée traumatisante ?

L’équipe de Dortmund, qui a repris l’entraînement mercredi matin, va montrer qu’elle ne cède pas « face au terrorisme », a annoncé mercredi le patron du club, Hans-Joachim Watzke. « Je viens d’en appeler à l’équipe dans le vestiaire, qu’elle montre à la société que nous ne cédons pas face au terrorisme », déclare-t-il sur le compte Twitter du Borussia Dortmund, qui a également diffusé une image de l’équipe à l’entraînement.

« Toute l’équipe est en état de choc », assurait pourtant la veille le même Hans-Joachim Watzke, depuis le stade de Dortmund. « Ce sont des images qu’on ne peut pas s’enlever de la tête. J’espère que l’équipe sera, dans une certaine mesure, en état de se présenter demain pour un match de compétition. »

« On peut s’imaginer comment ils ont dormi », a déclaré de son côté mercredi matin le président du Borussia Dortmund, Reinhard Rauball :

« C’est évidemment une situation très difficile, que l’équipe n’a encore jamais vécue. Mais nous pensons néanmoins que l’équipe va donner le meilleur d’elle-même. Les joueurs vont réussir à dépasser cela et à jouer. Le pire, ce serait que ceux qui ont mené cette attaque arrivent à leurs fins»

Vainqueur de l’épreuve en 1997, finaliste malheureux en 2013, le Borussia Dortmund se trouve dans une situation anxiogène alors qu’il est déjà privé de plusieurs cadres blessés (Marco Reus, André Schürrle). La question demeure : la formation allemande sera-t-elle en pleine possession de ses moyens au terme d’une nouvelle journée de mise au vert ?

« Jouer [mercredi] n’a pas été un problème dans les discussions. La famille Borussen va montrer qu’elle est unie et ce match se jouera pour Marc Bartra », a assuré Sascha Fligge, le directeur de la communication du club, lors de la conférence de presse organisée au commissariat central de Dortmund.

Sécurité renforcée

Le Slovène Aleksander Ceferin, président de l’UEFA depuis septembre 2016, a, lui, salué ce report d’une journée, « étant donné la priorité donnée à la sécurité de tous les supporteurs, des officiels et des joueurs ». Mercredi, les mesures de sécurité devaient être encore renforcées à Dortmund et aux abords du stade, bien que le niveau de vigilance soit déjà très élevé depuis les attentats de 2016 dans le pays, notamment celui du marché de Noël au camion bélier en décembre à Berlin.

Dans ce dossier, c’est l’instance dirigeante du foot européen qui a le dernier mot. Selon le règlement, un match qui ne peut se tenir « pour quelque raison que ce soit » doit être disputé « soit le lendemain, soit à une date de remplacement ou à une autre date fixée par l’administration de l’UEFA ».

Le 15 juin 1996, en plein championnat d’Europe des nations, l’UEFA n’avait pas reporté la rencontre prévue, le lendemain, entre l’Allemagne et la Russie, à la suite de l’explosion d’un camion piégé dans le centre-ville de Manchester. Des messages téléphoniques de l’organisation IRA avaient permis d’évacuer la zone sans permettre de désamorcer la charge, qui causa plus de 200 blessés.

Le 11 mars 2004, l’UEFA avait confirmé la tenue du match, en Ecosse, entre le Celtic Glasgow et le FC Barcelone malgré les attaques terroristes à Madrid (191 victimes). Les Blaugrana avaient alors été éliminés (1-0, 0-0) en huitièmes de finale de la Coupe de l’UEFA.

« On se plie au règlement »

De leur côté, les Monégasques ont pris acte du report du match avant de s’entraîner à huis clos au BVB Stadion, mardi soir. « Nous allons jouer car la décision du report de match est entérinée. A notre niveau, on se plie au règlement », déclare au Monde un dirigeant du club de la Principauté.

« Le match va bien avoir lieu ce soir, a déclaré dans une vidéo diffusée sur le site de l’ASM, son vice-président russe, Vadim Vasilyev. Les conditions sont évidemment compliquées. On s’est bien sûr posé la question de jouer cette rencontre (…) L’UEFA, le Borussia Dortmund et nous sommes sur la même ligne. Nous allons accompagner nos joueurs pour traverser au mieux cette situation. Le football sera plus fort que ce type d’acte ignoble. » « Ce n’est peut-être pas la meilleure solution que de jouer le lendemain d’un incident d’une telle ampleur », estimait toutefois mercredi, sur RTL, le prince Albert II de Monaco, qui a fait le déplacement à Dortmund avec l’équipe.

Leaders du championnat de France (avec trois points d’avance sur le Paris-Saint-Germain), les responsables de l’ASM se sont d’emblée préoccupés de l’impact de ce report sur leur calendrier. Le match Monaco-Dijon, comptant pour la 33e journée de Ligue 1 et initialement programmé samedi prochain à 17 heures, a finalement été décalé à 21 heures par la Ligue de football professionnel (LFP).