Marine Le Pen à  Arcis-sur-Aube, près de Troyes, le 11 avril. Le nombre d’adhérents au Front national fait partie des indiateurs retenurs pour fabriquer l’indice de la Fondation du camp des Milles. | BENOIT TESSIER/REUTERS

Informer et alerter les citoyens sur la montée des périls : telle est la mission que s’est assignée la Fondation du camp des Milles. Partant du constat que de plus en plus de Français sont séduits par les discours identitaires, le conseil scientifique de la Fondation a cherché à diagnostiquer l’évolution de la société française sur vingt-cinq ans.

Huit indicateurs ont été retenus : le chômage des jeunes ; les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ; la tolérance ; le nombre d’adhérents au Front national et les votes d’extrême gauche aux élections présidentielles (extrémismes politiques) ; les ­actes racistes ; les atteintes aux personnes ; les crimes et les délits ; les thématiques identitaire et sécuritaire dans les débats parlementaires. Ces données ont servi à fabriquer l’indice d’analyse et d’alerte républicaine et démocratique (AARD).

Les premiers résultats, publiés dans une note de travail, le 14 mars, font état d’« une montée des périls quasiment continue depuis 1990 ». L’indice AARD n’a cessé d’augmenter, passant de 100 en 1990, à 409 en 2015, avec un accroissement spectaculaire de l’indi­cateur relatif aux extrémismes politiques entre 2006 et 2011.

Un indice imparfait

La Fondation du camp des Milles en conclut que la société française serait passée d’une étape 1, où des groupes s’organisent pour répandre des idées ainsi que des violences racistes, à une étape 2, au cours de laquelle un ­basculement institutionnel permet à une minorité de prendre le pouvoir et de mettre en place une législation contraire aux libertés. Le régime devenu autoritaire, voire totalitaire, se retrouve alors pris dans un engrenage qui constitue l’étape 3, où l’on assiste à une ex­tension des persécutions, pouvant conduire au crime de masse. Selon la note de travail, « le passage de l’étape 1 à l’étape 2 aurait été franchi au tournant des années 2000 ».

Cette méthode simple à utiliser peut effectivement servir à alerter les populations. Il est néanmoins regrettable qu’elle soit critiquable sur le plan scientifique. Difficilement lisible, elle met, par exemple, sur le même plan le chômage des jeunes et les actes racistes.

Elle traite également de la même façon des attentats dont les causes sont multiples, et dont la multiplication devrait donc suivre des modèles très différents. Or la période étudiée a été marquée par la seconde Intifada, les ­attentats du 11 septembre 2001 et la qualification du président du Front national, Jean-­Marie Le Pen, au second tour de l’élection présidentielle de 2002. Ces événements ont influé sur l’augmentation brutale des différents indicateurs. La conclusion est donc risquée.

Alain Chouraqui, président de la Fondation, reconnaît les imperfections de cet indice, sans en minorer les enseignements pour autant : « Il me semble que le plus important est que cet indice confirme que nous sommes sociétalement proches d’un moment charnière, d’un basculement à partir duquel l’engrenage peut s’accélérer. »

Cet article fait partie d’un dossier réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la Fondation du camp des Milles.