Comment l’incertitude des électeurs pèsera sur le premier tour de l’élection présidentielle 2017
Par Maxime Ferrer
A dix jours du vote, les sondages continuent de placer le duo Macron-Le Pen en tête. Mais l’électorat du candidat d’En marche ! est d’avantage indécis, là où celui de François Fillon est plus convaincu.
A. Dahyot / Le Monde
Mélenchon, Macron, Fillon, Le Pen… Quatre noms et de multiples combinaisons possibles pour le premier tour. Et un point qui pose question : l’avantage que confèrent les sondages à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen, favoris dans les études d’intentions de vote, semble bien ténu face à l’incertitude que révèlent en réalité les chiffres sur lesquels il est basé.
Ipsos (dont Le Monde est partenaire), BVA et TNS-Sofres ont publié ces dernières semaines des sondages qui ont l’avantage de présenter une méthodologie identique et des résultats comparables.
Fillon et Le Pen ont les socles d’électeurs les plus solides
Nous ne nous intéressons pas, ici, aux seules intentions de vote, mais aussi à la part du « vote définitif » (Ipsos) indiqué par les sondés. Nous vous proposons de visualiser l’évolution de cet électorat, certain d’aller voter pour son candidat, depuis le début de mars dans onze sondages que nous avons recensés (au quatuor, nous ajoutons Benoît Hamon dans notre analyse).
Evolution de l'électorat "certain" des candidats
Pourcentage des personnes sondées se disant certaines d'aller voter pour le candidat
A l’évidence, Marine Le Pen comme François Fillon disposent d’un socle d’électeurs « certains » nettement supérieur à ceux des autres candidats (70 % à 80 %). Face à un Jean-Luc Mélenchon stable, autour de la barre de 60 % d’intentions fermes, Emmanuel Macron voit ses convaincus fluctuer tantôt à la hausse tantôt à la baisse. Benoît Hamon arrive bon dernier avec, en moyenne, moins de 50 % d’intentions de vote définitives.
En prenant en compte les indécis, Le Pen confirme son avance
Dans le sondage Ipsos paru mardi 11 avril, Emmanuel Macron et Marine Le Pen arriveraient ainsi en tête, avec 24 % des intentions de vote. Un même score pour deux électorats potentiels bien différents.
D’un côté, 79 % des électeurs potentiels de la candidate du Front national se disent sûrs de leur choix ; de l’autre, Emmanuel Macron ne peut tabler que sur 55 % de « certains » parmi les 24 % d’intentions de vote. Avec une base de 79 % de personnes sûres de voter pour lui, François Fillon, même à 18 % d’intentions de vote, est potentiellement à un niveau proche de celui du candidat d’En marche !.
Nous vous livrons les quatre derniers sondages parus depuis le début d’avril par les trois instituts que nous avons retenus, en distinguant intentions de vote acquises et intentions de vote incertaines.
Intentions de votes au premier tour de la présidentielle
Répartition par candidat des votants se disant certains et incertains
Marine Le Pen apparaît comme la candidate la moins dépendante du vote des incertains. Les autres candidats verront leur sort soumis au jeu des vases communicants, en particulier entre Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron, dont le moindre pourcentage d’électeurs basculant d’un côté ou de l’autre sera déterminant pour l’issue du scrutin.
L’abstention pourrait jouer un rôle prépondérant
En plus des incertains, l’abstention jouera, elle aussi, un rôle important. Pour l’instant, les sondeurs présentent des estimations pouvant varier de 26 % à 34 % d’abstention. Un écart énorme qui, au regard des cinq à six points qui séparent le duo Macron-Le Pen de celui des poursuivants, Mélenchon-Fillon (en particulier en prenant en compte les marges d’erreur), devrait, lui aussi, être en mesure de changer la donne du premier tour.
Pour vous faire une idée de l’incidence de des abstentionnistes sur les résultats du premier tour, nous vous proposons un graphique interactif dans lequel vous pouvez faire baisser l’abstention, l’attribuer au candidat de votre choix et ainsi observer l’évolution du rapport de force entre les candidats.
VISUALISEZ L'INFLUENCE DES ABSTENTIONNISTES SUR LES RÉSULTATS DU PREMIER TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE
Le point de départ se fait à partir de quatre sondages. Chacun d'entre eux a ses propres estimations sur les intentions de votes pour les différents candidats et le niveau de l'abstention. Choisissez-en un ci-dessous
En cliquant sur le nom d'un candidat, vous ferez baisser l'abstention d'un point et attribuerez ce point au candidat sélectionné. Nous présentons l'incidence sous deux formes:
L'évolution directe sur l'estimation des intentions de vote (en dessous de chaque candidat). Voir la méthodologie pour plus d'explications
les estimations sous forme de fourchettes de scores (qui prennent en compte les marges d'erreur).
Il y a bien les sites de paris anglo-saxons à ne pas voir d’incertitude dans le premier tour : une livre misée sur un second tour Macron-Le Pen ne vous rapportera que 0,62 livre de gains quand un duel Fillon-Le Pen ou Mélenchon-Le Pen peut vous rapporter cinq à huit fois la mise.
Méthodologie
Nous avons retenu trois organismes de sondages (Ipsos, BVA et TNS-Sofres) qui ont publié ces dernières semaines des sondages ayant la même méthodologie :
méthode des quotas
redressement des échantillons selon les derniers résultats électoraux
estimation de la participation
présentation des intentions de vote avec la part des votes « certains » et « incertains ».
La similarité méthodologique nous permet ainsi de comparer les différents résultats présentés dans les sondages.
Etude Ipsos pour la Fondation Jean Jaurès, le Cevipof et Le Monde du 3 avril : réalisée du 31 mars au 2 avril auprès d’un échantillon de 14 300 personnes inscrites sur les listes électorales.
Etude BVA pour la presse régionale et Orange du 8 avril : réalisée du 5 au 7 avril auprès d’échantillon de 1 421 personnes inscrites sur les listes électorales
Etude TNS-Sofres pour Le Figaro, LCI et RTL du 9 avril : réalisée du 5 au 7 avril auprès d’échantillon de 1 515 personnes inscrites sur les listes électorales
Etude Ipsos pour Radio France et France Télévisions du 11 avril : réalisée du 7 au 9 avril auprès d’échantillon de 1604 personnes inscrites sur les listes électorales
Nous ne le répéterons jamais assez : les sondages n’ont qu’une valeur indicative à un instant donné. Ils n’ont en rien une valeur prédictive certaine de l’opinion qu’ils reflètent. Les cas du Brexit, de l’élection de Trump ou encore de la victoire de François Fillon ont montré les limites des sondages.
A propos du graphique interactif sur l’abstention
Ce graphique vous permet de « jouer » avec le niveau de l’abstention. En cliquant sur le nom d’un candidat, vous faites donc baisser l’abstention d’un pourcent et attribuez au candidat le surplus d’électeurs. ,Logiquement, une baisse d’un point de l’abstention n’ajoute pas un point de plus dans le score du candidat mais un peu plus. Explications:
Prenons le sondage BVA du 8 avril qui estime l’abstention à 26 %. Selon l’Insee, il y a en France 44,8 millions d’électeurs. Avec une abstention à 26 % nous avons donc 33,2 millions de votants et 11,6 millions d’abstentionnistes.
En la faisant passer à 25 %, nous avons 33,6 millions de votants et 11,2 millions d’abstentionnistes (chaque baisse d’un point augmente le nombre de votants de 448 340 électeurs).
En imaginant, par exemple, que ce point ait été attribué à Jean-Luc Mélenchon, celui-ci passerait donc de 19 % x 33,2 millions = 6,3 millions de voix + 448 340 nouvelles = 6,7 millions de voix. Son score s’élèverait alors à 6,7 millions de voix / 33,6 millions de votants = 20,07 % des intentions de votes, soit une différence de 20,08-19 = +1,08 %.
Dans le même temps, Emmanuel Macron conserve le même nombre de voix (33,2 millions x 23 % = 7,6 millions) pour un nombre de votants plus importants. Son poids baisse donc mécaniquement pour passer de 23 % - (7,6 millions de voix / 33,6 millions de votants ) x 100 = -0,31 %.