La statue « Fearless Girl » fait face au « Charging Bull » depuis le 7 mars 2017, veille de la Journée internationale des droits des femmes. La statue du taureau, elle, date de 1989. | MARK LENNIHAN/AP

Depuis le 7 mars, une petite fille tient compagnie à la statue du Charging Bull (taureau en train de charger) qui trône, depuis 1989, au cœur de Bowling Green Park, à quelques mètres de la Bourse de Wall Street, à New York. Baptisée Fearless Girl (fillette sans peur), la silhouette a les mains sur les hanches et la tête haute, dans une attitude de défi par rapport à l’animal.

Cette Fearless Girl est l’initiative du gestionnaire de fonds Sate Street Global Advisors et a été installée pour interpeller les passants et réclamer la présence de plus d’administratrices dans les conseils des grandes entreprises, à la veille de la Journée internationale des droits des femmes.

Seulement voilà, le créateur de la première statue, le sculpteur Arturo Di Modica, ne trouve pas la nouvelle statue à son goût. Il a déclaré, mercredi 12 avril, lors d’une conférence de presse à Manhattan, que cette statue violait ses droits en changeant le sens et le contexte de la statue de son taureau.

Selon le Guardian, le sculpteur a expliqué « avec émotion » que son œuvre était censée symboliser « la liberté, la paix dans le monde, la puissance, le pouvoir et l’amour ». Mais l’installation de la statue représentant une fillette lui faisant face a transformé le taureau en un message de menace et de peur.

Atteinte aux droits de l’artiste

Le sculpteur Arturo Di Modica tient un modèle du « Charging Bull » lors de sa conférence de presse, le 12 avril 2017, à New York. | CRAIG RUTTLE/AP

« Charging Bull ne porte plus un message positif et optimiste désormais, déplore son avocat, Norman Siegel. Il a été transformé en une force négative, en une menace. Un choix délibéré a été fait pour exploiter et s’approprier Charging Bull à travers l’installation de Fearless Girl. » Le sculpteur et son avocat réclament à la ville de New York le déplacement de la seconde statue.

Ils font valoir que la statue Fearless Girl est incomplète sans le Charging Bull qui lui fait face, alors que l’inverse n’est pas vrai : la petite fille devient « sans peur » uniquement parce que le taureau lui fait face et constitue en cela une œuvre « dérivée », qui utilise l’œuvre qui la précède.

L’avocat d’Arturo Di Modica évoque un statut du droit d’auteur de 1990 qui donne aux artistes le droit « d’empêcher toute distorsion intentionnelle, mutilation ou autre modification de l’œuvre qui serait préjudiciable à la réputation de l’artiste ». Il précise également que, pour l’instant, son client ne souhaite pas intenter un procès à la ville de New York et qu’il espère que le maire, Bill de Blasio, acceptera d’en parler, explique le Guardian.

En mars, le maire avait qualifié la statue de la fillette de « symbole de résistance à la peur et au pouvoir » et jugé qu’elle symbolisait le fait de « défendre ce qui est juste ». Mais la conséquence « inévitable », selon l’avocat, c’est que, dans cette dynamique, le taureau devient le symbole de « ce qui est injuste ».

Un symbole des droits des femmes ou une publicité ?

La statue « Fearless Girl », installée à Wall Street par un fonds de gestion, a immédiatement attiré l’attention de touristes du monde entier et a été saluée par le maire de la ville et plusieurs personnalités comme un symbole de la lutte pour l’égalité hommes-femmes. | JEWEL SAMAD/AFP

Selon des propos rapportés dans le New York Times, les deux hommes se défendent d’être contre « l’égalité des sexes » que promeut la statue, vue par plusieurs personnalités féminines, dont Chelsea Clinton et l’actrice Jessica Chastain, comme un symbole fort pour la Journée internationale des droits des femmes.

Le maire de New York semble décidé à placer le débat sur ce terrain. Dans un tweet publié mercredi 12 avril, il a dénoncé l’attitude du sculpteur Di Modica en ces termes : « Les hommes qui ne veulent pas que les femmes occupent l’espace constituent précisément la raison pour laquelle nous avons besoin de Fearless Girl. »

Bill de Blasio avait, à l’origine, autorisé l’installation de la statue de la fillette pour une semaine, précise le New York Times. Devant son succès, il a étendu le permis d’exposition jusqu’en 2018.

Fearless Girl, devenue un symbole des droits des femmes, est aussi et d’abord une publicité pour le fonds d’investissement qui a financé son installation, arguent ses détracteurs. Au départ, une plaque accompagnant la statue indiquait : « Ayez conscience du pouvoir des femmes dans les postes de direction. ELLE fait la différence. »

Le mot « ELLE » (« SHE ») fait, en l’occurrence, référence à un fonds offert par la société de gestion pour encourager les entreprises à favoriser la diversité dans les conseils d’administration. Cette référence en fait une publicité, selon les partisans du sculpteur.

Arthur Piccolo, le président de l’association du parc qui accueille les deux œuvres, a déclaré que la petite fille était « définitivement une publicité ». Selon lui, elle est même révérée dans le monde de la communication comme la meilleure publicité de tous les temps, car « elle a fait le tour du monde ».