Capital-investissement : « En Afrique, la perception du risque a toujours été surpondérée »
Capital-investissement : « En Afrique, la perception du risque a toujours été surpondérée »
Propos recueillis par Camille Laffont
Pour le Tunisien Aziz Mebarek, cofondateur de la société AfricInvest, l’image du continent s’améliore auprès des investisseurs.
Désignée « société de capital-investissement de l’année » lors de l’Africa CEO Forum, les 20 et 21 mars à Genève, l’entreprise tunisienne AfricInvest accompagne plus de 135 projets en Afrique pour un montant total de 1 milliard d’euros. Elle a également lancé, en partenariat avec la banque publique d’investissement BPI France, le premier fonds franco-africain sur le marché européen.
Son cofondateur, Aziz Mebarek, était présent au colloque « Tout Afrique : les enjeux d’une approche continentale » organisé mercredi 12 avril par l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique) à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris.
Quel est le meilleur investissement d’AfricInvest à ce jour ?
Aziz Mebarek Ça dépend de ce qu’on entend par investissement. Un bon investissement s’inscrit d’abord dans la durée. Au-delà de l’aspect financier, il doit avoir un impact sur la communauté. Notre société a investi dans le premier hôpital privé en Tunisie, spécialisé dans le traitement du cancer, ce qui implique une chirurgie lourde. Jusqu’à récemment, la Tunisie était uniquement connue pour les soins plastiques. Nous avons aussi misé sur l’éducation, avec une fondation qui offre des bourses aux étudiants tunisiens méritants pour leur permettre d’étudier dans les grandes universités américaines et britanniques.
Et le pire échec ?
Les échecs sont toujours relatifs, et uniquement financiers. Par exemple, nous avons investi dans une laiterie au Maroc, qui a permis de pérenniser un revenu pour 15 000 agriculteurs de la région. Sur le plan financier, ce n’était pas brillant, mais nous n’avons pas à rougir de cet investissement : c’était une réussite sociale.
Quelle est la rentabilité des opérations de capital-investissement en Afrique ?
Nous nous inscrivons uniquement sur des pourcentages à deux chiffres. Nous n’avons pas le choix. Quand vous vous adressez à des investisseurs privés, vous êtes obligés d’afficher des rendements, même quand vous êtes accompagnés par des agences bilatérales. La perception du risque en Afrique a toujours été surpondérée : la Tunisie, par exemple, est souvent perçue, à l’étranger, comme un pays à feu et à sang. Mais plus globalement, l’Afrique est en train de faire évoluer son image, notamment en matière de gouvernance. Cela nous rend confiant pour l’avenir.
Comment est né ce premier fonds d’investissement franco-africain ?
C’est une initiative qui émane des besoins des entreprises. En France, elles sont nombreuses à vouloir se développer en Afrique, mais elles sont handicapées par leur méconnaissance du terrain. Je ne parle pas des grands groupes, bien sûr, mais de PME et d’entreprises familiales. De l’autre côté, il y a les entreprises africaines qui souhaitent se développer en France. Tout le monde y gagne. Le projet a été lancé à l’occasion du sommet Afrique-France de Bamako, en janvier. Nous sommes en train de finaliser les négociations avec les premiers bénéficiaires, dont les noms devraient être dévoilés sous peu.