TV : « The Get Down », trop de paillettes tuent le hip-hop
TV : « The Get Down », trop de paillettes tuent le hip-hop
Par Audrey Fournier
Notre choix du soir. La suite des aventures d’Ezekiel et de sa bande déçoit par ses faiblesses narratives et une réalisation à la limite du mauvais goût (sur Netflix à la demande).
THE GET DOWN Saison 2 Bande Annonce Teaser (Netflix - 2017)
Durée : 02:58
Alors que les fans de la série trépignaient, c’est avec la plus grande discrétion que Netflix a mis en ligne, le 7 avril, cinq nouveaux épisodes de The Get Down, sa superproduction consacrée aux débuts du hip-hop. Cette salve n’est pas à proprement parler une deuxième saison, mais la seconde partie de la première, qui comptait six épisodes lancés à l’été 2016 et qui avait conquis les internautes et la critique. On se réjouissait de retrouver Ezekiel et sa bande de gamins du Bronx, acteurs et témoins de la naissance de ce puissant mouvement musical et culturel, à la fin des années 1970. Cette seconde partie n’est malheureusement pas tout à fait à la hauteur de la première.
Le créateur de la série, Baz Luhrmann, réalisateur australien de Roméo + Juliette et de Moulin Rouge !, n’est plus derrière la caméra, mais le problème n’est pas là, car la réalisation reste très fidèle à son univers coloré, truculent, à la limite du mauvais goût parfois. Cette partie 2 perd en puissance narrative, et les enjeux pour les principaux personnages semblent mineurs, car déjà connus : Ezekiel doit-il continuer à slamer ou mettre son talent oratoire à l’épreuve de l’université ? Sa douce, Mylene, deviendra-t-elle une star du disco ? Peut-on s’en sortir dans le Bronx sans devenir dealer ?
« The Get Down ». | NETFLIX
L’effet « wahou ! » induit par la beauté des décors, des costumes, l’insertion de vraies fausses images d’archives a fait long feu, et les interrogations existentielles des personnages n’émeuvent plus. Surtout, leur seule obsession semble être de faire fructifier leur business naissant, comme si leur démarche artistique, si bien explorée et racontée dans la première partie, n’avait plus d’importance. Seule émeut la trajectoire du personnage le plus intéressant, Shaolin Fantastic, tiraillé entre le deal de drogue, son gagne-pain, et son amour pour le scratch de 33-tours, discipline dans laquelle il excelle mais qui ne lui permet pas de vivre. Des intermèdes cartoonesques, plutôt bien faits, viennent rappeler que la série est tirée d’un roman graphique (Hip Hop Family Tree, d’Ed Piskor, Fantagraphics, 2012), mais n’ont pas d’autre intérêt que de donner un rythme plus trépidant encore à une réalisation qui n’en a pas vraiment besoin.
L’irruption d’Afrika Bambaataa
Il faut attendre les deux derniers épisodes pour que la série redécolle, avec une exploration intéressante – bien qu’un peu hors sujet – d’un club gay new-yorkais au tournant des années 1970-1980, et l’irruption du personnage réel d’Afrika Bambaataa, dans l’ultime épisode, qui vient rappeler l’ambition du projet, l’un des plus palpitants qui soit : raconter la naissance d’une esthétique et de son terreau d’origine.
Reste le décorum, la musique, le spectacle et les paillettes, sur lesquels aucune économie n’a été faite, au point de lasser les oreilles et de piquer les yeux. Certains numéros font réellement plaisir à voir, comme lorsque Ezekiel et sa bande enflamment le club Inferno. D’autres déçoivent ou laissent dubitatif, comme cette prestation lascive et surjouée de Mylene au club Ruby Con, au son d’une variété commerciale sans intérêt, à la limite du ridicule.
Shaolin Fantastic et son maître, Grandmaster Flash, dans « The Get Down ». | NETFLIX
Le plus frustrant étant la part assez réduite réservée au hip-hop dans ces cinq épisodes. Pas de Grandmaster Flash en démonstration, ni de plongée dans les block parties du Bronx, seules quelques scènes montrent Ezekiel et ses acolytes devant le micro, alors que l’essentiel de cette nouvelle livraison baigne dans le disco. De quoi décontenancer les fans.
The Get Down, créée par Baz Luhrmann et Stephen Adly Guirgis. Avec Justice Smith, Shameik Moore, Herizen Guardiola (EU, 2017, 5 × 55 min).