Yannick Jadot et Benoît Hamon, à Paris, le 26 février. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Raphaëlle Besse Desmoulières, journaliste au service politique du Monde, a répondu, lundi 17 avril, aux internautes du Monde.fr sur le thème : l’environnement, oublié de la campagne ?

Lou : L’environnement, oublié de la campagne ? Mélenchon et Hamon en parlent constamment ! Il n’y a que le trio de droite Macron-Fillon-Le Pen qui n’en parle pas.

Raphaëlle Besse Desmoulières : Il est vrai que Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et Benoît Hamon (Parti socialiste) en ont mis ce thème au cœur de leurs programmes avec de fortes convergences. Le premier a poussé lors de cette campagne des propositions qu’il avait déjà développées en 2012 notamment via sa « planification écologique ». Il est allé plus loin sur le nucléaire qui était en débat avec les communistes. Libéré de cette alliance, il a promis la sortie du nucléaire quand ce sujet devait être tranché via un référendum en 2012.

Quant à Benoît Hamon, il s’est largement emparé de la thématique lors de la primaire et en a fait un axe fort de son projet, allant jusqu’à dire qu’il ne serait plus « socialiste sans être écologiste ». Ce qui lui a permis de rallier Europe Ecologie-Les Verts même si les discussions ont été laborieuses.

Dès lors, on aurait pu penser que ce sujet serait un des thèmes forts de la campagne. En vain. Comme de nombreux autres thèmes, il s’est retrouvé relégué au second plan par les affaires qui ont visé François Fillon (Les Républicains) et Marine Le Pen (Front national).

Toto : Pourquoi les candidats de droite ne s’emparent toujours pas du dossier environnemental ?

Pendant la primaire de la droite, l’environnement n’a en effet pas été au cœur du débat, c’était même un des angles morts de la campagne. Et ce, malgré la présence de Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne ministre de l’écologie de Nicolas Sarkozy.

Comme l’expliquait mon collègue qui suit la droite, Alexandre Lemarié, dans ce papier, l’entourage de Nicolas Sarkozy estimait que « l’écologie n’est pas la préoccupation numéro un des Français à l’heure actuelle ». Ce que déplorait Mme Kosciusko-Morizet, la seule avec Alain Juppé à aborder ce sujet : « A droite, l’attitude dominante consiste à ne pas parler des enjeux environnementaux. Ou, pire, à ­dénigrer notre bilan en la matière. »

Quant à François Fillon, l’environnement n’est clairement pas son sujet de prédilection, lui qui veut notamment remettre en cause le principe de précaution. Ce que déplorait Nicolas Hulot dans une interview au Monde le 23 avril. « Je m’étonne que lui qui assume sa foi religieuse n’ait pas été interpellé par l’encyclique du pape sur l’écologie », expliquait-il.

Sisi : Hamon est-il vu chez les écologistes comme un futur candidat de ralliement potentiel derrière lequel ils pourraient se retrouver ?

C’est déjà le cas ! En février, les écologistes ont choisi de retirer la candidature de Yannick Jadot, qui avait été désigné en novembre 2016 lors d’une primaire ouverte pour porter les couleurs d’EELV à la présidentielle, pour rallier celle de Benoît Hamon. Ce dernier leur semblait le mieux à même de porter la cause écologiste lors de cette présidentielle.

Un choix compliqué qui leur enlevait toute médiatisation lors de cette campagne et qui pourrait s’avérer perdant pour eux selon le score de Benoît Hamon. Ces derniers ont en effet négocié avec le socialiste non seulement un programme commun mais aussi un accord électoral pour les législatives. Si M. Hamon réalisait un faible score, cet accord, qui leur était très favorable, serait forcément revu à la baisse par un PS en difficulté pour les législatives.

Theo : Jean-Luc Mélenchon semble être le candidat présidentiable le plus déterminé à mettre en place une politique écologique. Via le bio à la cantine ou la sortie du nucléaire. Pourquoi le parti écologiste ne se rallie pas à lui ?

Il est vrai que Jean-Luc Mélenchon a l’un des programmes environnementaux les plus poussés. Mais Europe Ecologie-Les Verts a fait un autre choix : celui de soutenir la candidature de Benoît Hamon qui leur semblait la plus proche des valeurs qu’ils défendent. Si les écologistes partagent en effet de nombreux points communs avec M. Mélenchon sur les sujets environnementaux et sociaux, il existe aussi de grosses divergences, notamment sur l’Europe et la politique internationale.

Même s’ils sont aujourd’hui critiques du fonctionnement de l’UE, les écolos restent fédéralistes et ne partagent pas la volonté de sortir des traités européens prônés par le leader de La France insoumise qui pourrait aboutir à une sortie de l’UE. En matière de politique internationale, ils lui reprochent ses positions sur la Russie et la Syrie. Ce qui n’a pas empêché quelques écologistes de rejoindre sa campagne, comme le député EELV des Français de l’étranger Sergio Coronado, qui était présent dimanche lors du meeting de M. Mélenchon à Toulouse, et le maire de Grenoble Eric Piolle.

Ragueneau : Emmanuel Macron est-il crédible pour incarner un renouveau politique avec des déclarations et un programme aussi rétrograde en matière d’écologie ?

Il n’est pas exact de dire qu’Emmanuel Macron a un programme « rétrograde » en matière d’écologie même si pour de nombreux écolos, il reste au milieu du chemin, d’autant que ses déclarations en la matière ont pu varier au fil des mois. Ses positions s’inscrivent peu ou prou dans celles défendues par François Hollande (50 % d’énergie nucléaire en 2025, fermeture de Fessenheim…).

Il est cependant à noter que M. Macron a été rejoint par de nombreuses figures de l’écologie politique telles que l’ex-député européen EELV Daniel Cohn-Bendit, l’ex-ministre de l’environnement de Jacques Chirac Corinne Lepage, le député écologiste de Loire-Atlantique François de Rugy ou encore l’ancien porte-parole de la fondation Nicolas Hulot Matthieu Orphelin.

Quant à Nicolas Hulot, il avait noté dans un entretien au Monde des développements intéressants de la part de l’ex-ministre de l’économie mais lui avait mis un carton rouge concernant sa prise de position en faveur des chasses présidentielles. « Comme si M. Macron avait besoin d’aller flatter les chasseurs au moment où il est crucial de redonner des droits à la nature », avait-il fustigé.

Christophe B. : Nicolas Hulot pense t-il s’exprimer pour un candidat ?

Je ne crois pas que M. Hulot ait l’intention de s’exprimer avant le premier tour de la présidentielle, le 23 avril. Il a adopté une posture différente : plutôt que de soutenir un candidat, il a choisi de tous les interpeller pour les inciter à ériger la lutte contre les inégalités comme l’une de leurs priorités. Un appel a été lancé avec 80 associations et ONG le 23 mars en ce sens. Peut-être M. Hulot prendra-t-il la parole entre les deux tours s’il estime le danger suffisamment grand pour le faire sortir de sa réserve. En 2012, le candidat malheureux à la primaire d’EELV avait révélé son choix après la présidentielle et indiqué qu’il avait voté pour Jean-Luc Mélenchon.

Théodore : Pourquoi les médias, et donc « Le Monde », sont-ils si fascinés par les affaires et s’intéressent si peu à l’environnement ? Et ne nous dites pas qu’ils suivent ici les « préoccupations des Français ».

Le Monde, comme les autres médias, n’est pas « fasciné » par les affaires mais a un devoir d’information. On peut déplorer que ce thème ait relégué l’environnement comme d’autres thématiques sociales ou économiques au second plan mais on peut difficilement reprocher aux médias d’informer leurs lecteurs sur ce fait inédit qui aura marqué cette campagne présidentielle : deux candidats qui peuvent accéder à l’Elysée et qui sont visés par des affaires.

Cela ne nous a pas empêché de décortiquer leurs programmes, comme dans ce papier publié samedi ou cet article des Décodeurs. Par ailleurs, les candidats qui ont fait de l’environnement le cœur de leur projet comme Jean-Luc Mélenchon, n’ont pas fait le choix d’y revenir longuement ces dernières semaines. Ce dernier avait en effet prévu de parler d’écologie dimanche à Toulouse mais a finalement préféré axer son discours sur la liberté.