« Tous les Gambiens doivent sortir dans la rue, comme l’a fait l’opposant Darboe, pour bouter Jammeh du pouvoir. » C’est un appel du cœur lancé vendredi 22 avril par le jeune Saliou, membre de la communauté gambienne installée au Sénégal. La place de l’obélisque de Dakar a été transformée, le temps d’une vaste mobilisation, en un mur des lamentations contre le régime du dictateur gambien Yahya Jammeh, au pouvoir depuis 1994. La manifestation était soutenue par les organisations de défense des droits humains, les hommes politiques et des artistes sénégalais.

Foulard au vent, Fatou Jagne Senghor, directrice régionale pour l’Afrique d’Article 19, une association internationale de défense des droits humains, a donné le ton, comme un cri de guerre. « Aujourd’hui c’est la Sénégambie qui est debout, c’est toute l’Afrique qui est mobilisée pour dire non au président Yahya Jammeh qui constitue une plaie qu’il faut absolument soigner », a grondé la militante.

Arborant des tee-shirts floqués du message « Nous sommes tous Gambiens », les manifestants ont souvent scandé « Dafa doy » (« ça suffit ! » en wolof). Ils se sont tour à tour passé le micro avec des mots les uns plus assassins que les autres pour qualifier la répression qui a suivi les manifestations pacifiques du jeudi 14 et samedi 16 avril 2016 contre la réforme électorale en Gambie. Le jeune leader politique Solo Sandeng a été tué lors de ces manifestations et plusieurs militants ont été arrêtés et portés disparus.

« Où est Solo Sandeng ? Où est Faroumata Diawara ? Où est Nogoï Njie ? Où est Modu Ngum ? », s’interroge Alioune Tine, directeur Afrique de l’Ouest et centrale d’Amnesty international. Avant de dresser un sévère réquisitoire à l’endroit de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). « La Cédéao doit se rendre en Gambie et non se limiter à publier des communiqués, qu’elle aille en Gambie sortir les manifestants car c’est inscrit dans son mandat », crie Alioune Tine entouré d’une foule devenue hystérique, chantant en chœur « Na dém, na dém », (« qu’il s’en aille, qu’il s’en aille »).

« Exigence citoyenne »

Membre du groupe parlementaire Benno Bok Yaakar, coalition au pouvoir, Moustapha Diakhaté entamera ses propos juste au moment où la clameur s’estompe : « Le peuple sénégalais n’a pas de problème avec le peuple gambien, ce dernier n’a pas non plus de problème avec le peuple sénégalais. C’est Yahya Jammeh qui a des problèmes aussi bien avec le peuple sénégalais qu’avec le peuple gambien. Son départ est une exigence citoyenne. »

Le mouvement Y’en a marre a également pris part à la manifestation de la place de l’obélisque. « Du sang va couler, des vies seront perdues. Mais Jammeh partira. Peuple gambien levez-vous ! », clame le rappeur Malal Talla alias Fou malade de Y’en a marre.

Venue de France pour assister à la manifestation, Maïmouna Darboe, petite sœur de Usanu Darboe, le leader de l’opposition détenu en Gambie depuis samedi 16 avril, a soutenu que son frère a clairement notifié au régime de Jammeh qu’il n’acceptera la liberté que lui propose la justice qu’après avoir vu ses quatre militants portés disparus depuis leur arrestation.

Le crépuscule tombe sur Dakar et la foule de manifestants se retire peu à peu sous l’œil vigilant des policiers venus les encadrer. Une autre manifestation était prévue le lendemain sur la place de la République, à Paris, pour dénoncer les dérives du dictateur de Banjul.