A Paris, les ouvriers de Whirlpool désespèrent de la politique
A Paris, les ouvriers de Whirlpool désespèrent de la politique
Par Arthur Laffargue
Toujours en attente d’une éventuelle reprise de l’usine d’Amiens, plus de la moitié des salariés manifestaient mardi 18 avril.
Ancien délégué syndical de l’usine Arcelor-Mittal de Florange, Edouard Martin, devenu député européen en 2014, est venu soutenir les salariés de Whirlpool, le 18 avril. | BENOIT TESSIER / REUTERS
« Ras-le-bol des politiques ! C’est Marine [Le Pen] la solution ! » s’époumone un employé de Whirlpool qui interpelle Edouard Martin devant les caméras. L’ancien délégué syndical de l’usine Arcelor-Mittal de Florange, devenu député européen en 2014, devait probablement s’attendre à cette scène lorsqu’il a décidé de venir témoigner son soutien aux salariés amiénois du fabricant de sèche-linge. Elu sous l’étiquette socialiste, soutien affiché de Benoît Hamon, sa personne cristallise une partie de la colère des employés de Whirlpool. Eux qui voient leur travail partir en Pologne, sous la mandature d’un président de gauche.
« Si c’est ça l’Europe, mieux vaut que la France se retire », affirme de son côté Evelyne Sinoquet, opératrice dans la chaîne de production de Whirlpool depuis vingt-deux ans, venue manifester à Paris comme 150 autres salariés de l’usine d’Amiens. Elle confie que le sentiment de dégoût à l’encontre de la classe politique est « largement partagé » parmi ses collègues. « Il y en a beaucoup qui veulent essayer autre chose », assure-t-elle, évoquant sans la nommer Marine Le Pen.
Au milieu de ses collègues réunis sur le champ de mars, Abde Hilali, sérigraphe de formation, affirme, lui, n’attendre « plus rien des politiques », qu’ils soient de gauche, de droite ou aux extrêmes. Il se montre préoccupé par l’avenir de son usine. Qui va la reprendre ? A quelles conditions ? Pour combien de temps ? Autant d’incertitudes qui pèsent sur le quotidien des salariés de Whirlpool et des sous-traitants ou intérimaires qui dépendent exclusivement de l’usine amiénoise.
En attendant des réponses des actuel et prochain gouvernements, les manifestants ont symboliquement « enterré » les 286 emplois d’Amiens sur les marches du monument des droits de l’homme. « Tués par Whirlpool », peut-on lire sur la tombe en carton confectionnée pour l’occasion.
Des ouvriers désabusés
Aux abords de la tour Eiffel, des représentants de Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès), François Asselineau (Union populaire républicaine) et donc de Benoît Hamon étaient venus officiellement soutenir les salariés de Whirlpool. Entre partisans du « Frexit », comme M. Asselineau, et tenants d’une Europe sociale, ils ont surtout débattu des effets, ou méfaits, de la législation européenne sur l’industrie française. Sans réellement réussir à capter l’attention des ouvriers, majoritairement désabusés par les discours des prétendants à l’Elysée.
Christine Leitao, ouvrière de Whirlpool, a tout même pris le temps de discuter avec Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), seule candidate venue en personne rencontrer les salariés de Whirlpool. Elle ira voter dimanche 23 avril, sans pour autant croire à une reprise. La manifestation du 18 avril est « pour les générations futures », affirme-t-elle. Son cas personnel ? Rien de concret n’est à espérer avant la fermeture de l’usine : « J’ai déjà commencé à rechercher un autre travail. Mais il faut attendre d’être au chômage pour pouvoir postuler. »
Après vingt-sept ans passés à souder des pièces de sèche-linge dans l’usine d’Amiens, la quinquagénaire espère un « plan social digne du nom de Whirlpool ». Soit une enveloppe de plusieurs dizaines de milliers d’euros, qui permettrait aux salariés de s’assurer un avenir à court terme. Une perspective dont ils manquent cruellement depuis l’annonce de la délocalisation.
Nathalie Arthaud, à la manifestation des ouvriers de Whirlpool. | BENOIT TESSIER / REUTERS