Des internes en médecine en grève pour défendre leur formation
Des internes en médecine en grève pour défendre leur formation
Par Sarah Bos
Face à une formation qu’ils estiment bientôt tronquée, les internes ont manifesté mardi 18 avril pour protester contre la réforme des études médicales.
« Psychiatres mal formés, suicide assuré », ont scandé plus de 200 internes, rassemblés mardi 18 avril devant le ministère de l’enseignement supérieur, à l’appel du principal syndicat d’internes en médecine, l’ISNI. La réforme des études de médecine, engagée en 2009 et qui doit être appliquée en novembre 2017, fait l’objet de nombreuses critiques depuis plusieurs mois.
Censée rendre la formation des internes en médecine plus homogène, et permettre un meilleur suivi pédagogique, cette réforme transformera bientôt l’internat tant du point de vue de son contenu que de sa durée. Certaines spécialités médicales, comme la pédiatrie, voient leur internat passer de quatre à cinq ans. Mais ce n’est pas le cas pour toutes, et trois spécialités (la cardiologie, l’hépato-gastro-entérologie et la néphrologie), maintenues à quatre années malgré les revendications de leurs syndicats, ont rejoint l’appel à la grève illimitée lancée par l’ISNI.
« Dire qu’il faut uniformiser les diplômes, c’est très bien, mais alors pourquoi ajouter une année de plus en pédiatrie, et pas en cardiologie ?, s’indigne ainsi Aymeric Menet, cardiologue de Lille venu manifester son soutien. Notre formation a au contraire besoin de plus de temps parce que notre métier devient de plus en plus technique. »
Le temps de formation au cœur du débat
Mais c’est surtout le nouveau statut introduit par la réforme, celui d’« assistant spécialisé », qui inquiète les manifestants. Celui-ci viserait à installer, en dernière année, une mise en pratique qui intervient actuellement une fois l’internat terminé, sous la forme de deux années d’assistanat. « Nos quatre années d’internat servent à apprendre la cardiologie générale, explique Aymeric Menet. Les deux années d’assistanat sont facultatives, mais dans les faits, tous les cardiologues les font. Moi j’en ai même fait trois parce que je ne me sentais pas prêt. »
Une quatrième et dernière année consacrée à la mise en pratique est donc vue comme « une réduction de 25 % du temps de formation », pour Antoine, interne en cardiologie au CHRU de Lille. Mais elle serait également une manière de pousser les internes à mener des opérations en autonomie, sans avoir le statut ni la rémunération qui iraient avec. « Cela nous conférerait des responsabilités de chef de clinique, ce qui est une responsabilité légale, tout en étant payé comme des internes », assure Gabrielle, interne en dermatologie. Ce statut serait pourtant revalorisé, selon le ministère de l’enseignement supérieur, et permettrait un accès plus rapide au secteur 2, accessible pour le moment au terme de deux ans d’assistanat.
« Seule une fraction des internes est en grève aujourd’hui. Les étudiants en médecine soutiennent notre réforme, et même parmi les internes, ceux de la médecine générale y sont aussi favorables, tient à préciser le ministère. La réforme aurait déjà dû être appliquée en novembre 2016 et nous l’avons reportée d’un an. Nous sommes maintenant mieux préparés, nous avons pu mener une consultation très large. »
Oui à une réforme, mais pas « sans garanties »
Les points positifs de la réforme, notamment l’accent mis sur les nouvelles technologies, ne sont pas niés par Olivier Le Pennetier, président de l’ISNI : « Nous voulons cette réforme, mais nous voulons aussi des garanties sur les aspects restés flous. » « Est-ce que les postes en assistanat seront bien maintenus ?, interroge Aymeric Menet. Ce n’est pas clairement dit. Si on intègre un an d’assistanat dans le cursus, ils pourront nous dire par la suite qu’il n’y a pas besoin d’en faire plus. »
Du côté des présidents d’université, on comprend l’inquiétude des internes : « Trois ou quatre ans de formation complète – en internat et en post-internat – contre six ans actuellement, c’est insuffisant pour former de bons spécialistes », soutient Yvon Berland, à la tête de la commission santé de la Conférence des présidents d’université, qui appelle le ministère à répondre à cette revendication sur la durée d’études portée par les grévistes.
« Nous n’avons pas obtenu plus d’informations, regrette M. Le Pennetier, après qu’une délégation de l’ISNI eut été reçue par le ministère. Notre revendication de passer à cinq années pour certaines spécialités doit être réévaluée dans un an par le comité de suivi. Mais il est présidé par les personnes qui ont piloté cette réforme, poursuit-il. Actuellement ils ne nous écoutent pas. Je ne vois pas pour quelle raison ils nous écouteraient dans un an. »
La grève sera reconduite à partir de mercredi, chaque jour dans une ville différente « pour ne pas impacter les patients », d’après l’ISNI. Une assemblée générale est prévue samedi, pour décider ou non d’une reconduction générale de la grève.