Le village où se retrouve le héros, brave chevalier infortunément changé en lézard cracheur de feu. | LizardCube/DotEmu

C’est un petit plaisir de nostalgique autant qu’une brise de fraîcheur entre deux superproductions mégalomaniaques. Mardi 18 avril, l’éditeur français DotEmu et le studio français Lizardcube ont ressuscité Wonder Boy III : the Dragon’s Trap sur PlayStation 4, Xbox One et Switch.

C’est peu dire que ce classique, sorti en 1989 et considéré comme le meilleur de jeu de la première console de Sega, la Master System, a marqué les esprits. Sur Jeuxvideo.com, les avis utilisateurs l’honorent d’un 18,8/20 de moyenne. Dans sa critique du jeu sur le site spécialisé Gamekult, le journaliste Nicolas Verlet, alias Puyo, reconnaît la dimension sentimentale de ce titre, avec lequel il « entretient (…) un rapport fusionnel, pareil à ce doudou rapiécé, un peu jauni, un peu rêche, qui sourit encore sur l’oreiller de votre chambre d’enfant ».

De quel charme irrésistible, de quel sortilège entêtant Wonder Boy III est-il le nom ? Celui d’une aventure dans un monde fantastique rempli de faux-semblants, de surprises et de renversements. Le preux chevalier que l’on croyait devoir diriger va de malédictions en malédictions, de transformation en lézard cracheur de feu en souris mousquetaire riquiqui. Les mondes chavirés qui s’offrent à lui – plage exotique, pyramide égyptienne, dojo ou encore épave engloutie – ne sont pas de simples niveaux qui se succèdent, mais un micmac d’entrées et de sorties qui forment une sorte de mini-labyrinthe retors. Le tout sous les yeux plus ou moins bienveillants de ces infirmières et cochons qui vendent au héros des remèdes, des armures ou des armes.

Références japonaises et franco-belges

Il y a une forme d’éternité dans le charme de Wonder Boy III : The Dragon’s Trap, une naïveté sans âge, un entrain joyeux d’un autre temps, en même temps qu’une sophistication quasi anachronique pour l’époque. C’était l’époque où les jeux vidéo, profondément ancrés dans des imaginaires loufoques et choupis, semblaient n’avoir d’autre ambition que d’encapsuler quelques haillons d’enfance, et les souvenirs de conquêtes homériques d’aventuriers électroniques en culottes courtes.

Wonder Boy : A Dragon’s Trap réserve un lot gratifiants de décors ravissants, de boss loufoques et de transformations hautes en couleur. | LizardCube/DotEmu

Sans doute est-ce sous cette lueur-là qu’il faut apprécier la restauration du jeu par Lizardcube, duo de deux joueurs français biberonnés aux jeux vidéo des années 1980. Aujourd’hui créateurs chevronnés, c’est avec référence et détermination qu’ils sont allés négocier les droits de réédition de leur doudou d’antan auprès de Ryuichi Nishizawa, son créateur original pour lui offrir un nouvel écrin plus accessible au public moderne.

C’est peu dire que la restauration du titre ravit l’œil et les tympans : sans jamais rien trahir du doux surréalisme du titre d’origine, les français de Lizardcube lui ont donné la forme d’un dessin animé imbibé de références japonaises et franco-belges – on pense à la fois à Fly, première adaptation du manga Dragon Quest, et aux illustrations de Marion Poinsot sur la série du Donjon de Naheulbeuk. La réorchestration des thèmes d’autrefois, enlevée et entraînante, donne encore un souffle supplémentaire à cette aventure si enchanteresse, qui d’une simple pression sur le bouton de flanc, peut être basculée en esthétique 8-bits, à l’ancienne.

Wonder Boy: The Dragon's Trap - The Retro Feature
Durée : 01:09

Sur le fond, en revanche, rien ou presque n’a changé. Dans leur entreprise d’hommage, les deux artistes de Lizardcube se sont plus acharnés à retranscrire chaque personnage et chaque niveau d’origine au pixel près que de les réinterpréter. Le choix est assumé : vingt-huit ans après, Wonder Boy et ses nombreuses astuces ésotériques méritent d’être redécouverts, semble clamer ce remake qui n’en est pas un. C’est la limite de ce jeu : le joueur moderne risque de se perdre assez vite dans cette quête à la difficulté exigeante, à la construction surréaliste et à la logique trompeuse, avec ses flèches « allez à gauche » qui, bien souvent, cachent un niveau à droite. C’est sa limite, et son charme. Redécouvrir un autre format de contrat ludique, fondé sur un jeu qui s’amuse à la fois à mettre le joueur d’entrain et le perdre. Mais cela fait vingt-huit ans que le titre prévient : dans ce Wonder Boy, les dragons sont piégeurs.

En bref

On a aimé :

  • L’habillage visuel et musical absolument charmant
  • Pouvoir jongler entre le jeu de 1989 et celui de 2017 d’une pression de bouton
  • Le plaisir de se perdre dans un jeu à la construction volontairement piégeuse
  • Pouvoir réutiliser ses mots de passe d’antan

On n’a pas aimé :

  • La difficulté punitive, qui oblige à retraverser des niveaux entiers juste pour combattre un boss
  • Le système de collision avec les ennemis a vieilli

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous jouiez déjà à la Master System en 1989
  • Vous ne jouiez pas encore à la Master System en 1989

Ce n’est pas pour vous si…

  • L’histoire du jeu vidéo vous gonfle
  • Combattre des grenouilles rouges et des fleurs cracheuses de feu aussi

La note de Pixels :

Deux verres de Banga/un paquet de choco BN