La crise au Venezuela expliquée en quatre minutes
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Très impopulaire en raison des difficultés économiques du pays, le président vénézuélien, Nicolas Maduro, fait face à une forte contestation depuis le mois d’avril. La crise latente que traverse le pays depuis la victoire de la Table de l’unité démocratique (MUD), la coalition de l’opposition, aux législatives de 2015 a connu un nouveau pic de tensions.

Le 30 mars, la Cour suprême a décidé de s’arroger les pouvoirs du Parlement et de priver les députés de leur immunité, avant de se rétracter. Depuis, les manifestations et les heurts se multiplient. Mercredi 19 avril, l’opposition a promis « la mère de toutes les manifestations » contre le régime de Nicolas Maduro.

Fabrice Andreani, doctorant en science politique à l’université de Lyon-2 et chargé de cours à Sciences Po Lyon, explique cette crise politique que traverse le pays.

Qu’espère l’opposition en organisant la vaste manifestation du 19 avril ?

Fabrice Andreani : La Table de l’unité démocratique (MUD), le premier parti d’opposition, demande la levée de la peine d’inéligibilité qui a été prononcée contre le principal opposant du président Nicolas Maduro, Henrique Capriles Radonski. La MUD demande aussi le respect des attributions du Parlement, la tenue des élections régionales (qui auraient dû avoir lieu à la fin de 2016) et, pour les plus intransigeants, de nouvelles élections générales.

Depuis la victoire de la MUD aux élections législatives de 2015, Nicolas Maduro n’a cessé de casser les initiatives de l’Assemblée nationale au nom de l’état d’urgence. En octobre 2016, la MUD espérait pouvoir destituer Maduro par référendum, mais la Cour suprême a invalidé le processus au dernier moment. Dernier fait en date, la juridiction a tenté de s’arroger les pouvoirs du Parlement, avant de faire marche arrière ; un recul qui a galvanisé l’opposition.

Les manifestations du 19 avril doivent permettre à cette dernière de gagner du poids dans les négociations avec le pouvoir. Mais une partie de la MUD espère aussi réaliser une convergence avec les quartiers les plus populaires. Avant le scrutin de 2015, elle était plutôt soutenue par les classes supérieures et une classe moyenne très paupérisée par la crise économique.

Sur quels soutiens le régime de Nicolas Maduro peut-il encore compter ?

La capacité de mobilisation du gouvernement face à ses opposants est réduite. Nicolas Maduro rêve de reproduire le contre-coup d’Etat du 13 avril 2002 [où l’ancien président Hugo Chavez avait repris le pouvoir après un putsch de quarante-huit heures] et remobiliser les classes populaires – par ailleurs très critiques de l’action du gouvernement – en agitant la menace d’un coup d’Etat.

Mais ceux qui descendront dans la rue d’abord, si la situation ne s’enflamme pas, ce seront d’abord des cadres et employés du parti au pouvoir, qui n’ont pas le choix. Reste à savoir de quel côté le gros des classes populaires se mobilisera, pour celles qui se mobilisent encore.

Fait nouveau, des voix proches du gouvernement ont dénoncé une « rupture de l’ordre constitutionnel ». Faut-il y voir des dissensions au sein du pouvoir chaviste ?

Il est très difficile de savoir de quel type de dissension il s’agit. Il existe des acteurs au sein du chavisme qui jettent de l’huile sur le feu – comme chez leurs adversaires. Maduro lui-même peut appeler au dialogue, et dans la même allocution, laisser entendre qu’il mobilisera une milice pour défendre les quartiers administratifs du centre-ville de Caracas.

Certains anciens ministres chavistes appellent à la formation d’un gouvernement de transition avec la partie modérée de la MUD. Une position qui semble compromise pour le moment. Mais dans le même temps, tout se passe comme si les radicaux des deux côtés voulaient aller jusqu’à la confrontation et provoquer l’intervention étrangère que le pouvoir prédit depuis des années.

L’armée a récemment réaffirmé sa loyauté au président. Peut-il réellement s’appuyer sur elle ?

Il peut surtout compter sur les gradés. Ils sont les seuls à avoir l’organisation logistique pour tirer parti du chaos actuel, notamment via leur participation au marché noir.

Les soldats, en revanche, ne sont pas forcément tous prêts à tirer sur la foule. S’il y a eu des morts récemment, ce n’est pas forcément du fait des militaires ou des policiers ; certains manifestants partent armés, et il est très difficile de savoir qui est responsable en dernier ressort.

Faute de solution interne, la pression de la communauté internationale pourrait-elle permettre de trouver une issue à la crise politique ?

A moins qu’une guerre civile n’éclate, la communauté internationale ne peut pas faire grand-chose. Malheureusement, les sanctions internationales, notamment le gel des avoirs des chavistes aux Etats-Unis, radicalisent les positions d’un côté comme de l’autre. Elles sont également propices à l’entretien d’un discours pseudo-anti-impérialiste du côté du gouvernement, qui fait l’amalgame entre l’opposition et les Américains.