Présidentielle : pourquoi les premières estimations risquent d’arriver plus tard que d’habitude
Présidentielle : pourquoi les premières estimations risquent d’arriver plus tard que d’habitude
Par Patrick Roger
Il n’est pas certain que « Le Monde », comme ses partenaires, soit en mesure de fournir dès 20 heures l’ordre d’arrivée et les noms de deux qualifiés.
Opération à hauts risques, dimanche 23 avril, pour fournir dès 20 heures les premières estimations du premier tour de scrutin et afficher les visages des deux qualifiés pour le second tour. D’abord parce que, comme le laissent apparaître tous les sondages depuis une quinzaine de jours, les écarts se sont resserrés entre les quatre principaux candidats. Du fait, ensuite, du report à 19 heures de l’heure de clôture des bureaux de vote qui, habituellement, fermaient à 18 heures. Pas de changement, en revanche, pour les grandes agglomérations où les opérations de vote se termineront à 20 heures.
Pour les instituts qui procèdent à des estimations – et non à des sondages « jour de vote », anciennement « sortie des urnes », permettant de travailler par la suite sur les choix par catégorie d’électeurs –, c’est une véritable course contre la montre qui commencera alors. Pour la soirée électorale, Ipsos fournira ses estimations à France Télévisions, Radio France, Le Monde et les chaînes parlementaires, tandis que Kantar Sofres est associé à TF1, RTL, Le Figaro, Le Point. Les deux instituts ont mis en place des dispositifs à peu près similaires.
Quand d’habitude ils déployaient des enquêteurs dans 250 bureaux de vote, ils seront présents dimanche dans 500 bureaux, certains fermant à 19 heures et d’autres à 20 heures. « Après la fermeture des bureaux, nos correspondants appellent la plate-forme centrale dès que sont connus les résultats des 200 premiers bulletins, explique Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Ces résultats passent alors dans une chaîne informatique qui travaille sur des modèles perfectionnés permettant d’aboutir à une première estimation qui sera consolidée au cours de la soirée avec les 200 bulletins suivants jusqu’à dépouillement complet. »
« Si les choses sont extrêmement serrées, nous éviterons de donner une estimation »
Chacun des deux instituts mobilise près de 600 personnes le jour du scrutin. « C’est une organisation quasi militaire, souligne Edouard Lecerf, directeur politique et opinion de Kantar Sofres. Le temps est une contrainte parce que 500 bureaux avec une information partielle, c’est moins précis que 250 bureaux avec une information complète. Or nous n’avons plus qu’une heure. Là où on voyait les choses s’agréger autour de 18 h 50, ce sera une heure plus tard. » Les premières remontées de bulletins dépouillés sont attendues vers 19 h 35. Les instituts disposeront alors d’une vingtaine de minutes pour « fabriquer » les estimations censées être publiées à 20 heures. « C’est une prouesse technologique encore plus forte cette année », insiste M. Teinturier.
Mais l’angoisse du sondeur ne s’arrête pas là. La perspective d’un résultat très serré entre les principaux prétendants laisse planer un doute quant à la possibilité de donner les deux qualifiés pour le second tour dès 20 heures. « Nous ne prendrons pas de risque inconsidéré, prévient le directeur général d’Ipsos. Si nous sommes dans l’incapacité de départager le deuxième et le troisième, nous le dirons. Il faudra attendre que les estimations soient affinées avec le dépouillement d’une nouvelle vague de bulletins. »
Même précaution chez Kantar Sofres. « Si les choses sont extrêmement serrées et ne nous permettent pas d’avoir une certitude sur les qualifiés, en accord avec nos partenaires, nous éviterons de donner une estimation », assure M. Lecerf. A quel moment peut-on considérer que l’écart est suffisamment établi pour annoncer le duo de tête ? « Compte tenu de notre expérience, à 0,5 point on peut donner une estimation », ajoute le sondeur.
C’est pourquoi il n’est pas certain que Le Monde, comme ses partenaires, soit en mesure de fournir dès 20 heures l’ordre d’arrivée et les noms de deux qualifiés. Le Monde s’en tiendra également à des règles de prudence tant que le résultat ne sera pas acquis. Une situation qui n’est pas totalement inédite pour un soir de premier tour d’élection présidentielle. En 1995, pendant quelques minutes, compte tenu d’une légère incertitude, vite levée, entre Jacques Chirac et Edouard Balladur, les deux visages étaient apparus sur les écrans de TF1 au côté de celui de Lionel Jospin. Cette année, l’attente pourrait être plus longue.