Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, à Calais le 25 janvier. / DENIS CHARLET / AFP

Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a assuré mardi 29 janvier souhaiter que la justice poursuive Eric Drouet, l’une des personnalités des « gilets jaunes », qui a appelé à un « soulèvement sans précédent » après la blessure à l’œil d’un de ses proches.

Après avoir appris la blessure à un œil samedi de Jérôme Rodrigues, le groupe Facebook La France colère !!! créé par Eric Drouet avait décrété dans un communiqué, retiré depuis, « l’état d’urgence du peuple » et « appelé à un soulèvement sans précédent par tous les moyens utiles et nécessaires pour que plus personne ne soit victime de ces blessures de guerre ».

Lundi, Eric Drouet a tempéré ces propos dans un Facebook Live. « J’étais au chevet de Jérôme quand l’équipe d’administrateurs l’a rédigé. (…) Je ne l’ai lu qu’après. Le mot “soulèvement” était de trop », a-t-il estimé, appelant « au plus grand pacifisme » pour la prochaine journée d’action samedi.

« C’est un appel à l’insurrection, a pour sa part estimé M. Castaner. C’est quoi “tous les moyens utiles et nécessaires” ? Les boules de pétanque jetées sur les policiers, c’est déjà fait. Les pavés, c’est déjà fait. Les cocktails Molotov, c’est déjà fait », a affirme M. Castaner sur BFM-TV mardi matin.

« Cette dernière déclaration relève à mon sens de l’infraction pénale. Nous ferons ce qu’on appelle un article 40 pour que le procureur décide s’il veut poursuivre ou pas. Vous vous rendez compte qu’il appelle à utiliser de nouvelles armes alors qu’aujourd’hui il y a des cocktails Molotov ? », a insisté le ministre de l’intérieur.

Une grenade « envoyée conformément aux usages »

M. Rodrigues, blessé gravement à l’œil samedi lors d’une manifestation à Paris, affirme avoir subi un tir de lanceur de balles de défense (LBD). L’inspection générale de la police nationale (IGPN), la « police des polices », a été saisie.

« Pour l’accident dont a été victime Jérôme Rodrigues, ce que je sais, c’est qu’il y a eu l’envoi d’une grenade de désencerclement et qu’à ce moment-là, il a été blessé. Il y a débat, il y a une enquête », a déclaré M. Castaner, précisant que cette grenade avait «  été envoyée conformément aux usages, (…) ce qu’on appelle l’envoi au sol ».

« C’est le seul fait constaté », a-t-il ajouté, disant attendre « tous les éléments de l’enquête ». « Sur un sujet aussi grave, il faut faire confiance à l’enquête et l’enquête ne se fait pas à coups de conférence de presse ou de fuite dans la presse », a-t-il affirmé.

« Il y a eu 16 tirs [de LBD] à Bastille. Non seulement ils ont été filmés, mais chacun des tirs fait l’objet d’un rapport », a-t-il ajouté, assurant que « s’il y a faute, elle sera[it] sanctionnée ». Son secrétaire d’Etat, Laurent Nuñez, avait évoqué dimanche 18 tirs de LBD sur cette place. M. Nuñez a affirmé dimanche qu’il n’y avait « à ce stade » aucun élément permettant d’affirmer que M. Rodrigues avait été touché par un tir de lanceur de LBD.

« Expertiser la totalité de nos armes de défense »

Opposé à ce que les lanceurs de balles de défense (LBD) ne soient plus utilisés temporairement ou de manière définitive, comme le réclament des associations et le Défenseur des droits, le ministre de l’intérieur a néanmoins évoqué « des améliorations » lancées avec l’expérimentation de caméras-piétons sur les forces de l’ordre utilisant cet équipement controversé.

« J’ai demandé à nos forces de revoir la totalité de la gestion de l’ordre public et je ferai des propositions au premier ministre », a encore déclaré M. Castaner, sans plus de précisions. Interrogé par Jean-Jacques Bourdin sur le délai, le ministre a répondu : « Pour l’instant, nous gérons une crise. » « Ils [les forces de l’ordre] sont mobilisés tous les samedis sur le terrain, mais je souhaite qu’on constate qu’il y a une évolution [des manifestations]. Il faut nous adapter », a-t-il ajouté.

« Je veux bien expertiser la totalité de nos armes de défense », a-t-il poursuivi, en allusion aux LBD, dont l’usage a causé des blessures, parfois graves, durant les manifestations des « gilets jaunes ». « Ce que je sais, c’est que si on les retire à nos policiers, il leur reste quoi ? Il leur reste le corps-à-corps ou leur arme de service. Je ne souhaite pas qu’ils utilisent leur arme de service et je souhaite éviter le corps-à-corps », a-t-il insisté.