The Sonics, à Calgary (Canada), en 2016.  De gauche à droite : le bassiste et chanteur Freddie Dennis, le batteur Dusty Watson, le saxophoniste Rob Lind, l’organiste et chanteur Jake Cavaliere et le guitariste et chanteur Evan Foster. | BOBBI BARBARICH

Il est 18 heures, ce vendredi 21 avril, au Théâtre Jacques-Cœur, l’une des petites salles du festival Le Printemps de Bourges-Crédit mutuel, dont la 41e édition est organisée jusqu’au dimanche 23 avril. Sur la scène arrive Aliocha. Nom du groupe et prénom de son chanteur, guitariste et claviériste, Aliocha Schneider, 23 ans, né à Paris, parti vivre au Québec. Avec lui, son frère Volodia à la batterie, excellent instrumentiste, le guitariste et claviériste Christina Sean et le bassiste Tom Tartarin. Ils sont souriants, font entendre un son collectif. De leur concert d’une quarantaine de minutes, on sort ravi.

La musique d’Aliocha trouve probablement ses sources dans le folk-rock, le Dylan des années 1960, acoustique et bientôt électrique – une des chansons du concert débute quasiment par l’accroche de Like A Rolling Stone – et un peu de pop. Les sonorités d’ensemble sont douces, la guitare électrique a souvent un effet cristallin, les notes sont bien détachées, les claviers simples, piano et orgue discret. Dans la voix d’Aliocha, un léger voile, de l’expressivité, une grande maturité d’interprétation.

Brutal et intense

Un premier mini-album, publié en octobre 2016, avait attiré l’oreille, notamment avec les chansons Sarah et Sorry Eyes, au répertoire du concert avec de plus récentes comme Mr. Garner ou Jamie (« écrite pour un copain qui avait un problème… ce qui n’a rien changé à son problème »). Le 2 juin est annoncé, sous le titre Eleven Songs (Audiogram/PIAS), un album qui devrait confirmer le talent d’Aliocha.

Plus tard, la nuit tombée, ce sont globalement des formations sous étiquette rock qui étaient programmées dans les deux salles du 22. Six groupes, trois par salles, l’un ayant terminé dans l’une, l’autre commence dans l’autre. Et la soirée aura été surtout marquée par deux d’entre eux : Idles, fondé à Bristol et que la presse musicale britannique qualifie régulièrement de brutal et intense, et The Sonics, formé au début des années 1960 à Tacoma (Etat de Washington), redécouvert longtemps après sa dissolution en 1968 et quelques reformations à partir du milieu des années 2000, intronisé groupe annonciateur du punk.

Punk, Idles, mené par le chanteur à voix rageuse Joe Talbot, l’est, par des chansons coup de poing, une ligne de basse marquant tous les temps et la tonique des accords, deux guitares qui, de prime abord, ne s’embarrassent guère de fioritures. Mais il y a un peu plus que ces fondamentaux, grâce aux croisements entre les deux guitaristes, Mark Bowen et Lee Kiernan, stries à la fois rythmiques et solistes. Et, mine de rien, une envie mélodique.

Les premiers temps du rock’n’roll

Manifestement, c’est essentiellement pour The Sonics que la majorité du public, un peu plus âgé que d’habitude au 22, est venu. Les premiers temps du rock’n’roll et du rhythm’n’blues sont de la partie. De la formation qui avait enregistré les albums Here Are The Sonics (1965) et Boom (1966) ne reste que le saxophoniste Rob Lind. L’organiste et chanteur Gerry Roslie et le guitariste Larry Parypa ont arrêté les tournées en 2016, remplacés respectivement par Jake Cavaliere (de Lords of Altamont) et Evan Foster. Le bassiste et chanteur Freddie Dennis, vétéran de la scène garage du début des années 1970, et le batteur Dusty Watson complètent le groupe.

A leur répertoire, d’une part des reprises de leurs inspirateurs : Keep A-Knockin’, de Little Richard, Money (That’s What I Want), de Berry Gordy (dont Barrett Strong a été le premier interprète en 1959), C’Mon Everybody, d’Eddie Cochran et deux chansons de Richard Berry, Louie Louie – plaisant calypso de 1957 devenu un hymne rock avec la version des Kingsmen en 1963 – et Have Love Will Travel. Ces sources s’entendent dans les propres compositions des Sonics, anciennes ou récentes. D’un album paru en 2015, This is The Sonics, ils extraient Sugaree, Bad Betty, Be A Woman ou I Don’t Need No Doctor, qui ne se différencient guère de leurs classiques Cinderella, Boss Hoss, Psycho, The Witch ou Strychnine, classiques qui ne connurent aucun succès à leur époque. En 2017, les Sonics les jouent avec la même fougue et la même urgence qu’il y a cinquante ans.