Dans un bureau de vote à Strasbourg, le 23 avril. | FREDERICK FLORIN / AFP

La mairie de Strasbourg l’a confirmé dimanche soir 23 avril : 15 000 personnes ont été radiées des listes électorales lors de la mise à jour des fichiers d’électeurs qui a eu lieu cette année – un chiffre important pour une ville de 270 000 habitants. De très nombreux électeurs ont eu la mauvaise surprise de découvrir dans leur bureau de vote qu’ils n’étaient plus inscrits pour voter.

Parmi les témoignages recueillis par Le Monde dans la capitale alsacienne, plusieurs électeurs ont découvert avoir été radiés pour ne pas avoir signalé un déménagement, qui remontait, dans certains cas, à plus de dix ans. Patrick L., 43 ans, a déménagé il y a sept ans et voté aux quatre dernières élections au bureau de vote rattaché à son ancien domicile. Mais lorsqu’il s’est présenté ce matin à ce bureau, on lui a annoncé qu’il n’était pas inscrit sur la liste. Bizarrement, sa femme, qui est dans le même cas, a reçu sa nouvelle carte d’électeur lorsqu’elle est s’est présentée et a pu voter.

Esther L. est choquée par la situation, alors que des dizaines de personnes qui ont déposé un recours au tribunal d’instance attendent de savoir si elles vont pouvoir voter. Elle vote dans son ancien bureau depuis quinze ans et a découvert aujourd’hui qu’elle a été radiée.

Ailleurs, à Nancy, à Clichy (Hauts-de-Seine), ou dans des communes plus petites comme La Queue-en-Brie (Val-de-Marne), les témoignages ont afflué toute la journée sur les réseaux sociaux d’électeurs mécontents qui ont découvert le jour même qu’ils ne figuraient plus sur les listes électorales.

Dans la plupart des cas, les radiations semblent être liées à des changements d’adresse non signalés – mais selon les témoignages recueillis par France Bleu Alsace, plusieurs électeurs ont également été radiés en raison de problèmes d’état civil – qui ont notamment touché plusieurs électrices mariées, dont les cartes d’électeur avaient été établies à leur nom de jeune fille.

Contestations en justice

Les radiations semblent avoir été plus massives dans certaines communes que d’autres. Une carte participative en cours d’élaboration par des internautes liste des témoignages de radiations contestées et d’autres dysfonctionnements dans toute la France.

Pour pouvoir voter au second tour, ces électeurs doivent saisir le tribunal d’instance. Dans les villes où les radiés étaient particulièrement nombreux, les tribunaux accueillent ce dimanche soir des dizaines de personnes. A l’accueil du tribunal, une femme s’occupe de réceptionner les dossiers sur lesquels devront statuer les juges. « Depuis 8 h 30, je n’arrête pas », lance-t-elle aux personnes derrière la vitre.

Pour contester leur radiation, les électeurs strasbourgeois devaient se rendre au siège de la communauté d’agglomération, pour y récupérer le courrier recommandé leur annonçant leur radiation, se munir d’un justificatif de domicile, et rédiger une lettre manuscrite. Les dossiers étaient alors examinés par un juge du tribunal d’instance, qui statuait en temps réel. Les électeurs qui n’avaient pas signalé un changement d’adresse se sont vu refuser le droit de voter ce dimanche ; d’autres électeurs ont finalement pu voter, dont un homme, radié à tort après le décès d’un autre homme portant les mêmes nom et prénom que lui.

Tirango, 28 ans, hésite même à entrer dans le tribunal, comprenant que les requêtes qui font suite à un changement d’adresse n’ont aucune chance d’aboutir :

« Je suis trop déçu de pas pouvoir voter. C’était tellement important cette année. Surtout pour nous, les jeunes. Avec les attentats terroristes, le chômage… Pour une fois, j’avais fait mon choix, la politique, j’étais à fond cette année. »

Il secoue la tête et baisse le regard, abattu. S’il avait pu voter, c’est Mélenchon que ce demandeur d’emploi aurait plébiscité.

Chaque année, la Poste recense près de trois millions de foyers qui emménagent dans une autre commune. Or, seul un électeur sur cinq pense à se réinscrire. Sans compter les électeurs qui déménagent au sein de la même commune – et qui changent donc de bureau de vote, mais restent électeurs dans la même ville.