Le photographe interpellé le 23 avril à Hénin-Beaumont livre sa version des faits
Le photographe interpellé le 23 avril à Hénin-Beaumont livre sa version des faits
Jacob Khrist réalisait, lors du premier tour de la présidentielle, un reportage sur le mouvement Femen, quand il a été arrêté et gardé à vue pour « complicité d’exhibition sexuelle » et rébellion.
Jacob Khrist, photographe chez Hans Lucas, lors de son interpellation à Hénin-Beaumont, dimanche 23 avril. | FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Le photographe Jacob Khrist avait été interpellé à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), dimanche 23 avril au matin, près d’un bureau de vote dans des conditions floues. Sur Facebook, l’agence Hans Lucas, pour laquelle il travaille, avait dénoncé son interpellation :
« Inadmissible ! En ce jour d’élection, le photographe professionnel Jacob Khrist a été violemment interpellé à Hénin-Beaumont alors qu’il était dans l’exercice de son métier. »
L’agence de photographes expliquait ensuite ne pas avoir de nouvelles de Jacob Khrist : « au commissariat de Lens [qui a coordonné l’action], c’est le black-out complet. Après plusieurs coups de fil, impossible d’en savoir plus sur son état. »
Sur son profil de l’agence Hans Lucas, dont il est membre depuis 2015, Jacob Khrist est présenté comme un « photographe-reporter tantôt free-lance, tantôt engagé ». On peut notamment y lire qu’il « suit, par exemple, les Femen depuis presque deux ans ».
Jacob Khrist est sorti de garde à vue lundi 24 avril dans la soirée. Quarante-huit heures après les faits, le photographe livre sa version des faits sur sa page Facebook.
« Dimanche dans la ville FN d’Hénin-Beaumont, on m’a retiré le droit de travailler, retiré ma liberté et, par extension, retiré le droit de vote ! commence par écrire Jacob Khrist, qui précise qu’il travaille depuis quelques années sur le mouvement féministe Femen. Dimanche matin, depuis une petite heure, je me trouve sur le site de l’école communale d’Hénin-Beaumont à couvrir les élections présidentielles avec des dizaines d’autres reporters. (…) A 10 h 19, je vois sortir d’une limousine des militantes Femen affublées de masques. Je détourne donc mon appareil vers elles, comme d’autres confrères. »
« A 10 h 20, je suis en train de réaliser une rafale de clichés quand je sens qu’on me saisit violemment sur le côté et par-derrière. Deux individus en civil m’intiment l’ordre de ne pas bouger et cherchent à me traîner en retrait. »
« Je pense immédiatement à une intimidation ou à un lynchage, précise le jeune homme. Je leur demande qui ils sont, ils ne répondent pas. (…) Ils me mettent face contre terre quand deux policiers en uniforme débarquent. Soudain, je suis soulagé. Mais ils me menottent et m’emmènent dans un véhicule de police avec une militante Femen. »
« Aucun recours »
Jacob Khrist raconte ensuite son passage en garde à vue. Il explique être alors accusé de « complicité d’exhibition sexuelle » puis de « rébellion » lors de son arrestation.
« J’apprends à ce moment que les deux individus qui m’ont interpellé en civil sont des policiers et ce, malgré le fait qu’ils n’aient pas de brassard et qu’ils ne m’aient ni décliné leur appartenance à la police, ni répondu lorsque je leur demandais qui ils étaient. Oui, j’ai bien résisté mais sans aucune violence, mes mains étaient agrippées à mon matériel photo », précise le photographe.
Le lundi matin, le procureur lui précise que sa garde à vue est reconduite pour un délai maximum de 24 heures. « On me fait ensuite signer ma notification de garde à vue qui comprend toujours le motif de complicité d’exhibition sexuelle, auquel a été ajouté celui de rébellion ! », raconte le jeune homme sur Facebook.
Quelques heures plus tard, le photographe rencontre son avocate qui lui annonce que le procureur souhaite lui faire faire une nouvelle déposition. Lundi, vers 20 h 30, Jacob Khrist sort enfin de garde à vue.
« Alors qu’ils m’ont privé de liberté pendant trente-six heures, empêché de réaliser mon travail, empêché de voter, je n’ai aucun recours. Il m’est impossible de contester cette arrestation abusive et arbitraire, suivie d’une privation de liberté tout aussi abusive et arbitraire, car il n’y a pas de poursuite contre moi ! »
« Ce qui est aussi très gênant, c’est d’avoir été arrêté de manière arbitraire sur la base de soupçons, d’accusations, poursuit Jacob Khrist. S’il n’y avait pas eu ce battage médiatique, autant de soutien, si je n’étais pas membre du collectif de photographes HansLucas, que serait-il arrivé ? »