A Charleville-Mézières (Ardennes), en juillet 2016. | François GOGLINS/(CC BY-SA 4.0)

L’avenir des salariés de Mim est suspendu à la décision du tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Celui-ci devrait se prononcer, mercredi 26 avril, sur un projet de reprise en société coopérative ouvrière et participative (SCOP) élaboré par des salariés de l’enseigne de mode à petits prix, mise en redressement judiciaire en novembre 2016.

A la fin de mars, le tribunal a prononcé la liquidation partielle de Mim et validé l’offre de reprise partielle formulée par l’enseigne suisse Tally Weijl, en association avec le français Etam. Ces deux sociétés proposent de reprendre 71 points de vente sur les 233 magasins en propre (et 90 affiliés) implantés sur toute la France. Dans ce cadre, elles ne garderont que 287 salariés, en en laissant 800 autres sur le carreau.

Pour ces derniers, c’est donc la perspective d’un licenciement par le biais d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui, théoriquement, se dessine. Une date butoir avait d’ailleurs été fixée au 18 avril, avec une audience au tribunal de commerce de Bobigny durant laquelle l’administrateur devait demander la mise en liquidation judiciaire de la société.

Mais, ce jour-là, le tribunal a annoncé qu’il prorogeait cette décision au 26 avril. Le temps de laisser à la dizaine de salariés de Mim (dont deux dirigeants) porteurs du projet de reprise en SCOP de consolider leur proposition : leur projet consiste à reprendre le périmètre de Mim non racheté par Tally Weijl et Etam, qu’ils jugent, malgré tout, viable. Selon Isabelle Velila, déléguée du personnel du syndicat SECI-UNSA et l’une des initiatrices du projet, « la SCOP doit permettre de sauver entre 500 et 550 emplois sur les 791 actuels et entre 110 et 120 magasins ».

Mais le temps presse. Les salariés avaient une semaine pour prouver la viabilité de leur business plan. Un des principaux enjeux est de démontrer l’existence d’un marché dans un secteur hyperconcurrencé. Mais il leur faut également trouver l’adhésion d’un maximum de salariés, ainsi que le financement de départ.

  • Démontrer l’existence d’un marché

Fondée en 1976, la chaîne de prêt-à-porter féminin a été vendue au britannique New Look, qui l’a revendue en 2014 à un hongkongais, Main Asia. Au bout de deux ans, Mim a affiché 9 millions d’euros de pertes, pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 150 millions. Sa dette atteint 60 millions d’euros.

« Le vrai problème a été la gestion de Main Asia qui a laissé le monopole à un fournisseur unique, explique Eric Scherrer, président du SECI-UNSA. Mim achetait son stock 25 % plus cher que le marché. »

Dans le cadre de la SCOP, les salariés assurent avoir trouvé cinq fournisseurs prêts à travailler avec eux, à condition d’être payés d’avance pour la première livraison. « En travaillant avec ces nouveaux fournisseurs, l’entreprise va acheter des produits moins chers et de meilleure qualité, ajoute Eric Scherrer. Mim va pouvoir baisser ses prix. »

  • Trouver le financement

Pour acheter ce stock et permettre à l’entreprise de fonctionner sur les douze premiers mois, les salariés estiment avoir besoin de 5,6 millions d’euros. « L’entreprise ne dégagera pas de bénéfice la première année, précise Eric Scherrer. Mais 2,5 millions d’euros de bénéfices sont prévus la deuxième année. »

Après avoir présenté leur projet au ministère du travail, le 18 avril, les salariés ont reçu le soutien du gouvernement. « On a expertisé le préprojet et fait quelques remarques, souligne Jean-Luc Belda, conseiller en charge du pôle restructuration au ministère du travail. Lorsque le projet sera finalisé, on pourra décider d’apporter un soutien financier. Etant donné qu’il est question de sauver des emplois, on aura évidemment un regard bienveillant. »

  • Les salariés et le projet de SCOP

Au sein des 1 400 salariés qui composent l’entreprise, l’idée de la SCOP ne fait cependant pas l’unanimité. Depuis novembre 2016 et le redressement judiciaire, plusieurs offres de reprise ont été faites, sans jamais aboutir. En particulier celle présentée par La Compagnie de Clémenty, qui avait été largement soutenue par les salariés car elle devait ne licencier « que » 65 personnes. Mais les garanties financières exigées par les juges n’ont pas été remplies.

Après ces multiples rebondissements, « les salariés ont cessé d’y croire et ont fait leur deuil, explique une élue du comité d’entreprise. Alors, le projet de SCOP, initié par deux dirigeants de Mim et n’ayant pas été présenté à l’ensemble des salariés, a été très mal perçu. »

« Ça a frustré beaucoup de monde, raconte Audrey, déléguée syndicale CFDT. Pour les salariés, Mim est une souffrance depuis novembre [2016]. Ils ont envie que ça s’arrête et ils ont l’impression que la SCOP va continuer à les faire souffrir. »

Pour la déléguée du personnel, le PSE prévu dans le cadre de la mise en liquidation judiciaire devrait permettre de distribuer 2,6 millions d’euros aux salariés. « Avec la SCOP, si ça capote, on peut tout perdre au bout de six mois », poursuit-elle.

En interne, un sondage (sans valeur légale) a été réalisé auprès des salariés concernant ce projet de SCOP. Les résultats, publiés sur la page Facebook du syndicat FO Mim et prenant en compte les non votants, donnent 58 % « contre », soit 348 votants environ.

Si les salariés réunissent toutes ces conditions d’ici à mercredi, le tribunal pourrait décider de laisser trois mois supplémentaires aux salariés pour finir de constituer le dossier. « A partir du moment où le tribunal aura statué sur un délai, on pourra faire l’instruction, explique Françoise Fagois, directrice de l’union régionale des SCOP. Mais il faudra plus de monde mobilisé. Si les gens n’y croient pas en interne, c’est compliqué. »