Le Medef préserve sa suprématie dans le monde patronal
Le Medef préserve sa suprématie dans le monde patronal
LE MONDE ECONOMIE
Pour la première fois, des mesures d’audience des organisations patronales ont été annoncées.
Pierre Gattaz, le patron du Medef, au siège de l’organisation patronale, à Paris, le 24 avril. | ERIC PIERMONT / AFP
Les rapports de force au sein du monde patronal sont désormais plus clairs. Mercredi 26 avril, la Direction générale du travail (DGT) et le Haut Conseil du dialogue social (HCDS) ont dévoilé l’audience des organisations d’employeurs – sujet sur lequel ces dernières se querellent depuis des années. C’est la première fois que cette mesure est effectuée, à l’issue d’un processus très complexe lancé en 2013. Sans surprise, le Medef se classe numéro un, quand le critère retenu est le nombre de salariés travaillant dans des sociétés membres du mouvement de Pierre Gattaz.
L’exercice a permis de recenser près de 420 000 « adhésions d’entreprises », qui emploient un peu plus de 12 millions de personnes. Les membres du Medef comptent un peu plus de 8,5 millions de salariés, soit près de 71 % du total. Les deux autres organisations patronales – la Confédération des PME (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) – en accueillent respectivement 25 % pour la première et 4,22 % pour la seconde.
Toutefois, un autre paramètre est pris en considération pour apprécier le poids des protagonistes : le nombre de sociétés adhérentes. A cette aune, l’U2P arrive première, avec environ 150 000 entreprises, ce qui est toutefois très éloigné des 2,3 millions qu’elle prétendait « rassemble [r] » au moment de sa création, en 2016. Le Medef est relégué au troisième rang (derrière la CPME), un peu moins de 124 000 entreprises étant portées à son crédit, alors qu’il avait coutume d’en revendiquer 750 000.
Equilibres inchangés
Cette mesure de l’influence est nécessaire au bon fonctionnement de notre démocratie sociale, dont les règles ont été modifiées par plusieurs lois adoptées durant le quinquennat de François Hollande. Les accords collectifs, à l’échelon national ou au niveau des branches, ne peuvent, en effet, s’appliquer à toutes les entreprises qu’ils visent que s’ils ont été paraphés par des organisations jugées représentatives. Pour se voir accorder cette qualité, il faut franchir le seuil de 8 % (soit des entreprises adhérentes, soit des salariés employés). Le Medef, la CPME et l’U2P remplissent cette condition.
Les résultats dévoilés mercredi vont aussi servir à fixer le montant de financements octroyés aux mouvements patronaux par un fonds paritaire (géré par l’Association de gestion du fonds paritaire national, AGFPN). Ils permettront, par ailleurs, de désigner les conseillers prud’homaux (issus du collège employeurs) en fonction de l’audience ainsi calculée.
Y a-t-il des bouleversements à attendre ? Non, les grands équilibres qui prévalaient jusqu’à présent restent, grosso modo, inchangés. Un bémol, toutefois : le Medef recevra un tout petit peu moins d’argent de l’AGFPN. « Ça va nous obliger à être vertueux. On fera mieux avec moins », réagit-on dans l’entourage de M. Gattaz. En revanche, le mouvement qu’il préside conserve sa position dominante dans les instances paritaires (Unedic, etc.). Il dispose même désormais d’une sorte de droit de veto puisqu’une organisation dont le poids est supérieur à 50 % peut s’opposer à l’application d’un accord (ce qui est son cas, à l’échelon interprofessionnel notamment). L’expérience a toutefois montré qu’un « deal » pouvait difficilement être conclu sans le Medef.
« Hold-up du siècle » et « bidouillage »
Le président de la CPME, François Asselin, en conclut que la mesure de la représentativité patronale est « un quasi-non-événement ». Elle « ne change pas fondamentalement [la donne] », renchérit-on au Medef. Vice-président de l’U2P, Michel Chassang regrette, lui, que le critère des effectifs de salariés ait été ajouté en cours de route, alors qu’initialement seul le nombre d’entreprises avait été retenu pour apprécier les forces en présence : ce faisant, le gouvernement a permis au Medef de préserver sa suprématie. M. Chassang y voit « le hold-up du siècle ».
La CPME avait ses propres griefs : pour elle, le calcul des adhérents de l’U2P n’aurait pas dû prendre en compte les entreprises membres de l’UNAPL – l’une des composantes de cette organisation. Pas du tout, a objecté le ministère du travail. Mais M. Asselin, le patron de la CPME, continue de penser que tout le processus de pesée donne une « impression de bidouillage » : « Il fallait que le Medef reste majoritaire et que l’U2P soit représentative », dit-il.
Un adhérent du Medef déplore, pour sa part, que le nombre de sociétés « engagées dans le combat syndical » soit si faible : d’un côté, 420 000 adhésions, de l’autre, 3,4 millions d’entreprises. « C’est très insuffisant », lâche-t-il.