Plaque sur les bureaux de l’Agence russe antidopage, à Moscou. / Maxim Shemetov / REUTERS

Cette fois, sera-ce la bonne ? Une équipe d’experts doit se rendre mercredi 9 janvier à Moscou pour récupérer des données techniques de son laboratoire antidopage, a annoncé lundi l’Agence mondiale antidopage (AMA) dans un communiqué. Une première mission s’y était rendue le 17 décembre mais avait dû quitter Moscou les mains vides, au motif que l’équipement technique devant permettre l’extraction des données n’était pas « conforme à la législation russe ». Ces informations, si elles n’ont pas été manipulées par la Russie, pourraient permettre d’identifier des dizaines d’athlètes russes dopés ces dernières années.

En autorisant une nouvelle mission, la Russie espère échapper à une nouvelle déclaration de non-conformité par l’AMA, un statut dont son organisation antidopage, Rusada, était sortie en septembre. L’AMA avait alors requis de récupérer ces données avant le 31 décembre. Le 1er janvier, le président du gendarme de la lutte antidopage dans le monde, Craig Reedie, s’était dit « extrêmement déçu » du non-respect par la Russie de ce délai. Mais aucune réunion d’urgence n’avait été convoquée.

Comme prévu, ce sont les 14 et 15 janvier que se réunira le comité de révision de la conformité (CRC), organe indépendant de l’AMA chargé d’émettre une recommandation sur le statut de la Russie.

Plusieurs acteurs majeurs de la lutte antidopage, comme l’ancien directeur général de l’AMA David Howman, dans les colonnes du Monde, ou la vice-présidente de l’instance, Linda Helleland, à la BBC, ont appelé la semaine dernière à une réunion immédiate, par téléconférence, de la CRC, pour recommander une suspension de la Russie. En vain.

L’AMA agira « sur la base du non-respect de la date limite »

Dans le communiqué de l’AMA, Craig Reedie, souvent accusé de se montrer trop conciliant vis-à-vis de la Russie, adopte cette fois un ton martial :

« Nous continuons d’agir sur la base du non-respect de la date limite du 31 décembre, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir. La mission de cette semaine à Moscou n’a pas à voir uniquement avec la poursuite du processus et le fait de créer un précédent. Si la mission réussit à ramener ces données, cela mettra fin à une longue impasse et mènera potentiellement à l’ouverture de nombreuses procédures (pour dopage, N.D.L.R.). Toutefois, à court terme, le comité exécutif se réunira pour savoir si Rusada doit conserver son statut de conformité au code, en compagnie des organisations antidopage des autres grandes nations sportives. »

Le directeur du CRC, l’avocat britannique Jonathan Taylor, peu suspect de complaisance vis-à-vis de la Russie, fait quant à lui cette déclaration sibylline :

« Quand le Standard international pour la conformité au code (ISCCS) a été rédigé, toutes les parties prenantes étaient soucieuses de faire en sorte que la déclaration de non-conformité soit un ultime recours, qui ne soit pris qu’une fois que le signataire a raté toutes les opportunités de se mettre en conformité. (…) Le CRC reçoit régulièrement avant ses réunions les dernières informations disponibles de la part des signataires, qui peuvent démontrer ou non la mise en conformité. Il traitera cette affaire de la même manière (…) et fera sa recommandation au comité exécutif de l’AMA de manière strictement indépendante et sans aucune influence extérieure, comme toujours. »

Rendez-vous devant le TAS ?

En septembre, le CRC avait déjà été critiqué pour avoir accepté de déclarer Rusada à nouveau conforme, bien que deux conditions critiques pour sa réintégration n’aient pas été remplies.

Jonathan Taylor, dans une lettre ouverte publiée vendredi 4 janvier, arguait de l’importance de respecter tous les délais prévus initialement pour ne pas être pris en défaut par les avocats de la Russie.

L’issue de cette querelle pourrait en effet être jugée par le Tribunal arbitral du sport : si Rusada est jugée non-conforme, elle pourrait faire appel de la décision devant cette instance d’arbitrage.

Une déclaration de non-conformité pourrait avoir des conséquences graves pour le sport russe, pouvant aller jusqu’à la non-participation de ses athlètes aux prochains Jeux olympiques de Tokyo ; même si les textes prévoient que des sportifs puissent concourir sous drapeau neutre, comme ce fut déjà le cas des Russes lors des JO d’hiver de Pyeongchang en 2018.